"Vive Mexico" et Concordia

Bonjour à tous !


Cela faisait longtemps que l'idée me trottait dans la tête. Jusqu'à présent je
n'avais su faire que du tourisme. Avec l'envie de bien faire, certainement :
ne rien dénaturer, ouvrir grand les yeux, respecter "l'autochtone"... j'étais
une touriste appliquée, comme nous le sommes tous de plus en plus. Mais la
rencontre, le vrai choc des esprits, est-il possible dans ces conditions ?

Nous voyageons avec l'Occident dans nos bagages. Nous avons la tête pleine d'attentes qui ne doivent pas être déçues. Notre temps libre est précieux, capitalisons-le ! Voilà le paradoxe du touriste occidental : il veut découvrir un ailleurs authentique, mais il impose inconsciemment le rythme par lequel cet "ailleurs" doit se dévoiler, c'est-à dire en un instant, car l'heure tourne, il y a tant de choses encore à voir, et puis bientôt la vie quotidienne le happera de nouveau alors, pressons...

S'il est nécessaire pour découvrir un pays de s'ouvrir au rapport intime que
son peuple entretient avec le temps, on ne se debarrasse pas de sa propre
conception temporelle comme d'un costard-cravate. Surtout quand l'argent s'en mêle : celui qui vide sa bourse est en droit de recevoir quelque chose en retour ; mais ce que nous cherchons à obtenir, l'humain et le temps, n'est pas une marchandise, et les rapports à l'autre s'en trouvent complexifiés. Si la
rencontre, parfois, survient, elle n'est que l'interruption momentanée d'un système dont nous sommes
prisonniers.

Voilà pourquoi j'ai fait appel à l'association Concordia,
qui organise des chantiers pour bénévoles dans le monde entier. Avec
Vive
Mexico
, son partenaire au Mexique, je vais travailler avec le centre pour la
jeunesse de Morelia
, dans le Michoacan. Ma seule attente ? Etre dépaysée...



vendredi 28 septembre 2007

Portraits et anecdotes, II : Oaxaca, l'histoire d'une "Commune"

Oaxaca. Peut-être la plus belle rencontre et la plus grande frustration. Vous savez, lorsque l'on croise un être que l'on sent secrètement proche de soi, mais qui s'éloigne. J'ai mis longtemps avant de me résoudre à mettre sur la page ce nouvel épisode. J'avais peur de mentir, à moi plus qu'à vous.

Oaxaca est une ville politiquement troublée, et c'est ce qui m'a séduit. Oaxaca descend dans la rue pour pleurer l'injustice, la corruption, les morts irrésolues. Oaxaca crie sur les murs sa douleur. Ce sont les employés d'un hôtel qui se mettent en grève pour soutenir une collègue injustement renvoyée. C'est une vieille femme qui vend des tortillas sous une banderolle. C'est un artiste qui expose des silhouettes en carton percées de trous de balle.
L'année dernière, les professeurs se sont mis en grève, car ils dénonçaient leurs conditions de travail, et la pauvreté des indigènes qui ne bénéficient pas des richesses de leur terre. Une grande partie de la population les a soutenus. La révolte s'est amplifiée : on dénonce la corruption du gouverneur, le tourisme que l'on développe aux dépens de l'autochtone, les inégalités, etc. Il y eut une grande grève générale, un palais du gouverneur brûlé, une repression violente, des morts et des disparus... Et sur les murs de la ville, les cris du peuple sont effacés : un bout d'affiche ici résiste encore, et ailleurs la fin d'une phrase dévorée par le noir censeur d'un coup de pinceau. Certains slogans subsistent : "David Venegas no es nuestro lider, es nuestro hermano" ( D.V. n'est pas notre leader, il est notre frère). David Venegas est un étudiant contestataire que l'on a battu et emprisonné sous de faux prétextes.Les grandes manifestations, les actions violentes, c'était l'année dernière, mais rien n'est résolu depuis. Les élections du nouveau gouverneur arrivent, alors, on espère.

Si j'avais peur de parler de Oaxaca, c'était par crainte de ma subjectivité. J'avais peur que mon regard brillant d'admiration offre la vision biaisée d'une situation complexe dont, finalement, je ne connais pas grand chose. Je regarde le monde d'un point de vue esthétique, et c'est le pire des regards lorsque l'on parle de politique. Stendhal a cru en Napoléon comme il aurait cru en un héros de roman. Sa morale politique se réduisait à son sens esthétique...mais quelle excuse peut-on donner à l'esthétisme quand il justifie la barbarie ? Peut-on admirer un homme (ou un mouvement populaire) pour sa rhétorique, tout en le condamnant pour ses actions ?

Il flottait dans l'air de Oaxaca une électricité joyeuse et galvanisante. Sur le Zocalo, on montait une estrade pour un show politique, sous les yeux des policiers armés. Les gens parlent, sourient, ils sont sont vie et on le sent. Rien n'a su taire leur révolte. Ils ne connaissant pas la désillusion.

Ils étaient beaux, mais j'avais le devoir de me documenter, pour savoir, au-delà de l'esthétisme. Alors, une fois de retour en France, j'ai cherché. On ne parle pas beaucoup de la "Commune de Oaxaca" dans les medias européens. Je tombai sur quelques articles, et sur une video. Des images bouleversantes. Une femme brandit une fleur blanche face aux policiers. Un slogan que l'on scande : "El pueblo, unido, jamas sera vencido". Face aux policiers, pas d'insultes, mais des tentatives pour les convaincre :"Vous aussi vous faites partie du peuple ! Vous aussi vous êtes pauvres !". Un homme lève un livre au dessus de la tête, comme d'autres lèveraient le poing : "Je suis un instituteur, les livres sont ma seule arme"...
Et je pense à Rome, ville ouverte, de Rossellini, parce qu'il est un des rares films dont l'esthétisme épouse jusqu'à la confusion la dimension politique. Quand Pina s'échappe de la foule pour suivre la camionette où les soldats emmènent Francesco, puis s'effondre sous les balles... il y a ici un réquisitoire contre la barbarie, le premier manifeste du néoréalisme, et une scène à la beauté abstraite. Quand les lignes du corps d'un être, le tracé de son mouvement deviennent sens et art. Cette course insensée de Pina vers la mort, le tracé de son corps qui s'arrache à l'impersonnalité de la foule, se lance dans l'espace avec foi et amour, et choit, désarticulé, en un tressautement de mort, cette courbe a la force abstraite d'une ligne de Kandinsky brisant l'harmonie colorée. Voilà ce que j'ai ressenti à Oaxaca : la beauté et la légitimité d'une indignation.





































La dignité de ce peuple me fait penser, à l'instant où j'écris, à la révolte du peuple de Birmanie...
Pour ceux qui veulent s'informer sur l'histoire de la Commune de Oaxaca :
http://www.monde-diplomatique.fr/2006/11/VIGNA/14119
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volte_d%27Oaxaca

lundi 10 septembre 2007

Portraits et anecdotes, I : De la notion de l'Happy Hour en terre mexicaine

Les faits se déroulèrent un certain début de soirée, à la fin du mois d'août. Nous venions d'échouer sur planète Zipolite, petite galaxie inconnue de tous sauf de nos chers lecteurs et des détenteurs du guide Lonely Planet sur le Mexique. Nous avions entrepris de découvrir le domaine par une petite balade le long de la mer, les pieds dans l'eau, et découvrions aux dépens de nos pantalons que l'on reste difficilement à Zipolite les pieds dans l'eau sans y mouiller le reste car la mer, en vorace insatiable, innonde vite nos genoux et nos cuisses à coup de vagues mal léchées. Cherchant alors un peu de réconfort, nous fûmes alertés par une pancarte qu'un bar à quelques mètres de nous affichait fièrement : "Happy Hour : 2 cocktails pour le prix d'1 : 35 pesos". 35 pesos, cela fait à peu près 2,3 euros, ce qui doit correspondre au cours de la gorgée de cocktail à Paris... Nous nous installâmes donc pour un petit aperitif improvisé (et bien mérité) et commandions 2 cocktails à l'aimable serveuse, un mojito et une margarita, ainsi qu'un peu de guacamole. C'est à cet instant qu'intervint le malentendu. En y repensant, je crois me souvenir que le visage de la serveuse exprima une seconde l'étonnement à l'énoncé de notre commande, mais elle refréna rapidement cette expression pour la remplacer par le sourire habituel de courtoisie. Quelques minutes plus tard, la toujours-si-aimable-serveuse revint non pas avec 2... mais avec 4 verres : 2 verres de mojito, et 2 verres de margarita ! Elle pensait donc que dans notre commande, nous n'avions pas pris en compte l'offre de l'Happy Hour et que nous attendions que le bar double nos verres... Sans doute fut-elle surprise de nous entendre commander 4 verres en une seule fois, puis se donna la consigne intérieure de ne pas juger des lubies alcooliques de ses clients ! Le malentendu vient donc d'une différence de point de vue, mais n'y aurait-il pas, à l'origine de cette incompréhension, une différence culturelle ? La question reste ouverte ...
Quoi qu'il en soit, acablés mais téméraires, nous acceptâmes la tâche que le destin nous avait assigné en terminant nos breuvages, ce qui donna l'occasion à mon Cher-et-Tendre de faire des photos et des films de ma personne en bien peu avantageuse posture , images qu'il s'empressa à son retour de montrer à la France entière. Après notre apéritif, nous eûmes l'etrange et soudaine envie de dormir, et rejoignimes notre cabana pour une "courte" sieste de laquelle nous sortîmes 3 heures plus tard, à 22h, hagards et affamés !

samedi 8 septembre 2007

Destination Oaxaca, la ville : le voyage.

Nous nous retrouvâmes donc de nouveau à Pochutla, sur l'artère principale, dans l'espoir de trouver un bus qui nous mènerait vers l'étape suivante de notre voyage : la célèbre ville de Oaxaca. De Pochutla, deux routes mènent à la capitale de l'Etat : l'une, plus courte, file presque tout droit vers la ville, en empruntant les chemins tortueux et mal entretenus des montagnes environnantes, et cela prend 6 ou 7 h ; l'autre, en meilleur état, fait un immense détour par l'isthme de Tehuantepec, et prend 2 heures de plus. Il était 14h, et ne sachant pas où nous passerions la nuit a Oaxaca, nous décidâmes donc d'opter pour le chemin le plus court, afin de ne pas arriver trop tard dans la nuit. Jusqu'ici, l'unique concession au tourisme de luxe que nous avions faite avait été le voyage en bus 1e classe, et cela, soit parce que nous n'avions pas eu le choix (seule la compagnie ADO reliait Palenque à San Cristobal), soit parce que, voyageant de nuit, il nous fallait dormir dans le bus pour avoir l'énergie de découvrir le pays dès notre arrivée. Mais notre esprit aventurier avait été stimulé par ces 2 nuits passées à Zipolite dans des cabanes en bois, ces douches d'eau froide que l'on actionne en tirant sur une corde et ces piqûres d'insectes et autres morsures de puces. Nous étions d'accord : pour 6 ou 7 h de route, le voyage en 2e classe serait parfait. Nous pénétrions dans l'antre de la compagnie EV/OP quand un homme vint nous parler : "Vous cherchez un bus ? Où voulez-vous aller ?" Comme je lui donnai ma réponse, il m'assura qu'un bus partait pour Oaxaca dans 20 minutes, et il nous invita à prendre place pour patienter. C'était une large cour dans laquelle deux bus étaient garés. Au fond de la cour, un beau bus fringant portant fièrement le nom de Oaxaca en couvre-chef, et devant nous, un vieux tas de tôle, avec des noms de villages aux consonnances indigènes collés sur la vitre. La cour était bordée d'un préau sous lequel on trouvait un comptoir où un homme dormait, et 2 rangées de chaises devant une petite télévision. Nous nous installâmes donc sur deux de ses chaises. La télévision passait un documentaire sur Fidel Castro, vaguement élégiaque. Quelques hommes agés tournaient vers le poste un regard vide. Nous étions les seuls touristes ici ; je me sentais bien. Au documentaire, succéda une publicité très rebarbative prônant les qualités révolutionnaires du calcium de corail : calcio de Corail, de Okinawa, Japon, gratis ! Olivier rigolait, un peu nerveusement. Il se demandait quel bus allait nous servir de moyen de transport. Je lui assurai que c'était celui du fond, puisque notre destination y était inscrite. C'est alors que l'homme de tout à l'heure, un mexicain au marcel bedonnant, monta dans l'autre bus (le vieux tas de tôle), mis le contact et recula. Et nous découvrîmes, tout en haut, le nom de Oaxaca, jusqu'ici dissimulé par le rebord du préau. A bien y réfléchir, c'était du plus bel effet comique. Il aurait fallu voir nos têtes à cet instant. Surpris, et légèrement apeurés à l'idée de faire 7h de route dans un bus que nous pensions mûr pour la casse, nous nous demandions que faire, tandis que notre brave chauffeur criait "Oaxaca" en nous invitant à monter. Cela faisait une demie heure que nous attendions le moment du départ, et nous décidâmes donc de monter. Au moment de payer nos billets, je réalisai que le prix que l'on me demandait correspondait au tarif de 3e classe.


"Plus tard, on en rigolera." Cette phrase fut le leitmotiv de tous les instants de franche galère que nous vécûmes au Mexique (il n'en n'eut pas tant que ça). Pour moi, il n'y a pas de réelle expérience sans imprévu. Et rester ouvert à l'imprévu, c'est laisser le terrain libre à la galère. J'y étais préparée, prête à l'accepter, et Olivier était prêt à me suivre. Nous rigolâmes donc, d'un rire teinté de jaune, en entendant le grincement de l'animal quand il entrepenait un virage, son vombrissement quand il se risquait à une accélération, et surtout les gesticulations crissantes du levier de vitesse peinant à garder sa position... Mais le chauffeur était vaillant, domptant le levier, agrippant le volant de toutes ses forces, et sa femme, assise à ses côtés sur un petit tabouret matelassé juste en face de la porte grande ouverte de l'autobus, ne semblait pas un poil inquiète. Un virage un peu sec, le tabouret glissant sur le sol humide et elle passait par dessus bord... Mais Jesus-Christ veillait sur sa croix, accroché au dessus du poste de conduite. Ces gens n'étaient pas inconscients, je crois qu'ils étaient mus par une foi fervente doublée d'un certain fatalisme. Si un drame arrive, c'est qu'il doit arriver, voilà leur philosophie. Ils ne passent pas leur vie à imaginer des scénarios catastrophes comme nous le faisons tous la plupart du temps. Ils accueillent la vie avec confiance et le malheur avec résignation. Nous vécûmes donc quelques heures au rythme de ces gens, blottis dans leur bus comme nous le serions dans leur coeur. Une pluie battante s'acharna bientôt sur nous, et un T-shirt recouvrit le marcel. Nous étions perdus dans la montagne, entourés de forêt. Parfois nous dépassions quelques groupements de maisons formant village, ou quelques stands de tacos sur le bord de la route. Des indiens tirant des ânes. Le chauffeur s'arrêtait de temps en temps pour prendre un passager marchant seul sur une route venant de nulle part et menant je-ne-sais-où. Nous accueillâmes à cette occasion le plus beau bébé du monde, qu'une indienne portait sur son dos, emmitouflé dans ces tissus colorés que l'on voit dans les marchés artisanaux. Il portait un bonnet à pompon, et posait sur le monde d'immenses yeux noirs hallucinés, curieux et suppliants. Il me regarda quelques instants, je souris à la mère qui me répondit avec son visage de douceur. A mon grand regret, mes deux amis silencieux descendirent très vite du bus. Plus tard, nous dépassâmes deux voitures embourbées. Notre chauffeur s'arrêta, discuta par la porte ouverte avec l'homme à la voiture bloquée (c'était pourtant un gros 4X4 américain en bien meilleur état que notre boîte de conserve !). Ils cherchaient ensemble une solution. L'homme au 4x4 proposait que notre bus pousse sa voiture, pare-choc contre pare-choc, mais notre chauffeur était sceptique (je suis plutôt de son avis : notre bus n'aurait pas survécu à une telle pression). Il abandonna le 4x4, puis fut pris de regret et entreprit une marche arrière pour le rejoindre. Une nouvelle discussion commença. "Et si nous descendions tous du bus pour l'aider à pousser sa voiture ?", proposa timidement la femme au tabouret. Mais le chauffeur refusa (peut-être songeait-il à ces 2 européens faisant partie de l'équipée...). Longtemps après, sur la route, mari et femme discutèrent de ce qu'ils auraient pu entreprendre pour aider l'homme embourbé. Les mexicains ont un fort esprit d'entraide, et ils devaient se sentir fautifs de n'avoir rien pu faire.

Et c'est ainsi, simplement, que se passèrent les 7 heures de bus. Il y eut quelques pauses - un arrêt sur le bord de la route pour se ravitaller et se réchauffer autour d'une tasse de café ; deux arrêts dans des gares où des passagers nous abandonnèrent et d'autres nous rejoignirent. Nous fûmes les seuls, à l'exception évidente du conducteur et de son épouse, à suivre le trajet de Pochutla jusqu'à Oaxaca. Ce ne devait pas être courant que les gens fassent un si long périple dans ces conditions. Le pire, c'est que nous avons même réussi à y dormir ! Nous débarquâmes donc à la gare 2e classe de Oaxaca, à 21h30, trouvâmes un chauffeur de taxi radio-guidé qui nous mena à notre auberge. Là-bas, je retrouvai par hasard Anne, la volontaire belge que j'avais laissé à Uruapan (enfin, pas tout à fait par hasard : nous avons le même guide). Nous prîmes enfin un vrai repas, sur le Zocalo de Oaxaca, au son de la salsa, des mariachis, et de la flûte de pan : culture latine, vieille tradition mexicaine et tradition indienne, trois strates de la culture musicale mexicaine se succedèrent à nos oreilles comme à ma bouche les strates gastronomiques de mon sincronizada, sorte de sandwich multi-couche de tortillas au guacamole, au queso, et à la purée de frijoles. La richesse d'une culture ne se perçoit pas dans la synthèse, mais dans l'accumulation. Ne pas craindre la cacophonie est le plus sûr moyen d'accéder à l'harmonie. L'identité. Ce fut le leçon que je reçus d'un sandwich. Pour sûr, nous avions ajouté ce jour-là une strate importante à notre connaissance de la culture mexicaine.

samedi 1 septembre 2007

Oaxaca, l'Etat, la côte

Nous quittions donc le Chiapas pour visiter un nouvel état du Mexique, l'Etat de Oaxaca ; et faisions connaissance avec le pays du mezcal d'une bien agréable manière, puisque ce fut au bord de l'océan Pacifique et à l'ombre des cocotiers. Soucieux de croiser le moins possible d'alter ego touristes, nous avions opté pour un petit village de pêcheurs agrémenté de cabanes en bois. Zipolite. Un nom qui ne semble appartenir a aucune langue, mais un nom qui sonne bien. Le simple fait de s'y rendre était une aventure. Notre bus nous laissa à Pochutla, fatigués de la nuit de 12 heures de bus. Puis il fallut faire front a la horde de chauffeurs de taxis qui nous attendaient pour nous proposer de nous mener au lieu de notre choix a un prix muy barato et chercher de manière active (malgré nos sacs de 15 kilos sur le dos) une camioneta qui nous conduirait a Zipolite pour un prix bien plus barato. Puis ce fut la découverte d'un nouveau paysage et de nouveaux visages à l'arrière d'un pick-up fonçant sur les routes sinueuses de la côte.

Zipolite est l'exemple type du lieu où le temps s'est arrêté. 200 âmes vivent là peut-être. La moitié de la population est Mexicaine. Ils tiennent des épiceries ou travaillent dans les restaurants. Leurs gestes sont longs et amples (je me souviens de ce mexicain gérant d'un petit restaurant qui balançait sa toute jeune fille dormant dans le hamac tout en regardant un télefilm...). L'autre moitié est constituée d'etrangers, mais pas seulement des touristes. Plus de la moitié des visages pâles vivent a Zipolite. Ils y coulent des jours simples et tranquiles, a l'écart du temps. Ils y passent l'eternelle journée de leur vie. Tous ont une histoire. On aimerait la connaitre, mais ils se taisent sur leur passé, bien qu'ils soient bavards pour bien d'autre choses. C'était le cas de notre hôte, Regula, une suisse de Zurich, gérante de Lo Cosmico, un ensemble de cabanes en bois situées sur un promontoire rocheux sur la plage. Regula n'a pas d'âge. Son visage est marqué par les années, mais elle se déplace et sourit avec la nonchalance d'une jeune fille. Souvent elle part dans de longues promenades au bord de la plage, avec ses chiens. Quand je lui ai demandé depuis combien de temps elle était là, elle s'est contenté de me répondre "depuis une éternité". Je n'ai pas insisté.


Nous nous sommes donc coulés dans la vie de Zipolite, avec délice et lenteur. La seule violence qui existait était celle de la mer. De grandes vagues aux forts courants. Il y eut quelques petits événements. Une tortue (encore !) qui vint pondre ses oeufs. Cela nous permit de faire la connaissance de Mauricio, un sauveteur, tout heureux et fier que son pays nous fasse vivre cette expérience. Et puis une matinée de plongée en tuba, menée par un couple germano-autrichiens, de jeunes amoureux au physique de série télè qui avaient chacun gravé "Für immer", Pour toujours, sur leur avant-bras. Nous vîmes de jolis poissons bariolés, et des tortues qui faisaient l'amour dans l'eau (savez-vous que cela peut durer jusqu'a 4 jours, provoquant la mort par épuisement d'un des partenaires ?). Nous bumes des Mojito et mangeames des poisson grillés. Et nous partimes comme nous étions venus, en camioneta, mais les visages qui dèfilerent sous nos yeux alors avaient un peu plus de sens pour nous. Un vieil homme monta dans le pick up avec nous, avec sa brouette. Il partait en ville la faire réparer, car la tolle était fendue. Ce fut notre dernière rencontre. Et Zipolite prit dans notre mémoire l'opacité et le mystère d'un rêve.

lundi 27 août 2007

Sur les traces des indiens du Chiapas



!!Disclaimer: afin de rapporter le plus rapidement nos aventures, le style de notre journaliste habituelle a dû être sacrifié... moins d'émotions au programme, mais les faits seront là!


Après 6h de bus pour parcourir 220km de route sinueuse dans les hauts plateaux du Chiapas, nous avons débarqué, hagards, à San Christobal de Las Casas. À peine le temps de réaliser, un mexicain nous alpague, dehors, sous la pluie, nous propose une auberge à quelques rues du centre, et pour nous convaincre, nous indique que le taxi nous est offert ainsi que le petit-déj. Nous y passerons finalement 2 nuits, séduits par l'ambiance et le petit-déj!

Dès le soir, nous partions à la découverte de la ville, en quête du seul vrai repas de la journée. Nous en avons profité pour découvrir la ville et son artère principale - la Carrer Real Guadalupe - qui rassemblait tout ce dont nous aurions besoin par la suite: une grande rue mal pavée - comme la plupart au Mexique - une succession d'hôtels de baroudeurs, de restaurants, d'agences organisant des excursions touristiques... le repas fut donc pris rapidement au El Gato Gordo, puis dodo.

La matinée bien avancée par une grasse matinée bien méritée, nous entamions notre visite du centre ville par le marché d'artisanat local. Autour d'une petite église, une multitude de stands sommaires, tenus par des indiens venus des villages environnants, proposait bijoux, habits traditionnels, articles en cuirs... quelques chariots de vendeurs de tacos embaumaient l'air d'odeurs appétissantes. On en profita donc pour se ravitailler, une dizaine de tacos - poulet, boeuf, tripes avec supplément de viande -, pour moins de 3 Euros. Longtemps, ce repas restera notre référence, et dorénavant notre unité de conversion. Nos flâneries digestives nous ont poussés vers la place principale, entourée d'arcades, du palais municipal, et d'une église. Le tout dans le plus pur style colonial: bâtiments aux couleurs chaudes, rues pavées perpendiculaires. À côté du palacio municipal, un groupe d'indiens faisait une démonstration de danses et de chants de cultures préhispaniques. Les costumes de peaux, de plumes et de perles se secouaient sur le rythme effréné des tambours. Ces 2 diables couraient et sautaient dans une arène que délimitaient les montagnes entourant San Christobal, où se trouvaient les dernières communautés indiennes.

Dimanche, nous étions parés pour l'aventure dès 8h30: direction le canyon du Sumidero, au nord de Tuxtla. Sur les 10h, harnachés de nos gilets de sauvetages, nous prenions place à bord d'une petite embarcation plate, surplombée d'un poste de pilotage à l'arrière. A plus de 50km/h, nous foncions dans le défilé montagneux du Sumidero. Fréquemment le guide arrêtait notre bâteau, dont l'avant retombait subitement dans l'eau, pour nous faire profiter de la faune, de la flore et des curiosités étonnantes dont le canyon regorgeait. Au milieu de ces parois vertigineuses, qui culminaient jusqu'à1000m plus haut, vivaient d'innombrables oiseaux - martins pêcheurs, hérons, grues, cormorans, pélicans, vautours. Nous vîmes aussi des chauves-souris, quelques singes-araignées et... quelques crocodiles. Dans la partie amont du canyon, la plus ensoleillée, le pilote s'approcha plusieurs fois de petites plages où se chauffaient ces grands lézards préhistoriques. L'un d'eux, visiblemment agacés par notre bateau qui venait de toucher le banc de sable à quelques mètres de lui, s'est élancé brusquemment vers nous, avec une vivacité qu'on avait du mal à imaginer 1 seconde auparavant, lorsqu'il ne semblait encore qu'une grosse épave végétale. Les passagers à tribord doivent encore frissonner d'avoir vu passer cette gueule immense à moins de 2m d'eux.

Le midi, notre minibus nous laissa vadrouiller dans Chiapa del Corzo, à quelques km du canyon. Après un rapide tour au marché local, au milieu des étals de fruits et légumes, de viandes et de babioles - le tout dans la chaleur et les mouches -, nous avalions un rapide menu du jour, copieux et bon, avant de redescdendre à San Christobal.
Nous avons occupé les 5h qui nous séparaient de notre prochain départ, par une nouvelle visite du marché artisanal, où nous apprîmes à nos dépends les subtilités du marchandage au Mexique. Un homme à qui nous voulions acheter des peintures sur cuirs mayas, accepta de nous baisser le prix de quelques dizaines de pesos. Voulant comparer les prix, nous le quittâmes en lui promettant de revenir. Mais, quand après s'être rendu compte que son offre était intéressante, nous retournâmes à son stand, véxé de notre méfiance, il refusa de nous accorder le prix qu'il nous avait offert quelques minutes auparavant.

C'est avec un certain pincement au coeur, que nous quittions le soir même ce bel et sauvage état du Chiapas, pour Zipolite, petite plage perdue sur la côte Pacifique, dans l'état de Oaxaca.

Chiapas, premiere etape...

Jeudi 23 aout, nous debarquions a Palenque, dans le célebre état du Chiapas, apres une nuit passée dans un bus de la compagnie ADO (15 h de bus qui, a mon grand etonnement, s'étaient écoulées plutôt rapidement...). Je savais ou je voulais attérir, j avais longuement étudié la question, du temps ou je rêvais de ce voyage dans mon petit appartement parisien. La ville de Palenque en elle même ne comportant pas beaucoup d interêt, mon coeur avait décidé de battre pour El Panchan, un petit lieu-dit crée de toutes pieces par une famille d'archéologues, une somme de petits restaurants et cabanes perdus au milieu de la jungle, a quelques centaines de metres des ruines de l' Antique Palenque aux dimensions autrement moins modestes... Le lieu était idyllique... Des petits ponts de bois, de belles fleurs rouges tropicales au nom inconnu (du moins de nous), et des petites cabanes en toit de palmes noyees dans la jungle. On trouva meme internet et le Temazcal, bain de vapeur maya ! Les gens qui peuplaient ce lieu étaient de plusieurs sortes : jeunes touristes alternatifs en couple ou en bandes de copains (tres souvent munis d'un guide Lonely PLanet), hippies sans âge, mexicains lunaires... Nous nous sentimes vite chez nous dans ce lieu a l'atmosphere intemporelle. L'apres midi meme, nous partimes, grace a une agence de voyage, a la decouverte de cette fabuleuse region : au programme, cascades de Misoh Hal et Agua Azul. Nous etions une dizaine dans une petite camionnette filant a toute allure dans les montagnes de Chiapas, et sous nos yeux defilait la vie : petites tiendas de vetements traditionnels, ecoliers en costumes, epiceries, indiennes aux deux longues nattes, a la taille minuscule, courbées en deux sous le poids du fardeau qu'elles portent sur la tête, maintenu par un epais ruban sur le front... Des couleurs, partout : le bleu ardent du ciel, la jungle fluorescente, les maisons pastels, les vetements bleus des indiens... Misoh Hal est une haute cascade s'ecoulant dans un petit lac ou l'on peut se baigner (ce que je ne manquai pas de faire...). Un petit chemin passe derriere la cascade. Au bout du chemin, un homme nous attend avec une lampe de poche : "au fond de la grotte, il y a une autre petite cascade", et nous voila tatonnant, les pieds dans l'eau, guidés par le faible faisceau de sa lampe jusqu'au fond de la grotte ou une cascade, des stalagtites et de microscopiques chauve-souris nous attendent... Agua Azul fut plus décevant, la belle eau transparente ayant pris une teinte marronâtre du fait de la saison des pluies. Mais a defaut de satisfaire nos yeux, nous trouvames de quoi nous enchanter les papilles par la degustation d'un mangue habilement taillée en fleur autour d'une pique en bois. Le soir, rompus de fatigue et heureux, nous nous installames a la terrasse du Don Mucho, restaurant a l'ambiance feutrée d'une ceremonie rituelle, avec ses petites tables sous un grand toit de palme, ses bougies comme seule lumiere, l'odeur d'encens flottant dans l'air, et sa musique envoutante aux accents indiens. Un groupe de musique vint réinterpreter les standards du reggae avec le timbre cuivré d'un saxophone. Entre deux morceaux, on entendait la voix grave et douce d'un vieu chanteur de blues noir, assurant l'animation musicale du restaurant adjacent.


Le lendemain, nous etions debout a 7h, bien décidés a être les premiers a grimper les marches du Temple des Inscriptions de l'ancienne cité maya. Nous attendimes a l'entrée d'El Panchan un combi qui ne tarda pas a arriver. Les ruines de Palenque se trouvent au milieu de la jungle, dans un parc protégé. Nous entrames a l'ouverture des visites, a 8 h. Il n'y avait presque personne, et la brume restait accrochee aux edifices. Ainsi, on ressentait mieux le mystere des lieux. On n'avait presque l'illusion d'entretenir un rapport intime avec la pierre blanche, l'arbre et l'oiseau. Quelques fois, le cri d'un singe hurleur s'élevait au dessus des ruines. Il y a une vingtaine de batiments dégagés, et encore beaucoup a découvrir. De grandes pyramides a gradins servent de plateforme a un temple ou a une tombe. Dans le Temple des Inscriptions, on a trouvé un Tombe parée de mille trésors, celle du Roi de Pakal, dont le visage était recouvert d'un masque de jade. Le Palais, deuxieme batiment majeur du site, accueillait la famille royale et sa cour. Sur le site, on trouve encore les grandes dalles sculptées : des dignitaires du royaume y decouvrent leurs visages nobles aux traits ovales et sereins. L'art maya de Palenque est l'art de la période classique de la civilisation maya, pas étonnant que ses formes soient si pures... Notre visite du site fut marquée par deux événements, de qualité inégale : la rencontre tout a fait fortuite avec Mayca et Ismael (alias Chuty), deux ex-volontaires de Morelia, et l'arrivée de la pluie battante qui, malgré notre bravoure et mon poncho, ecourta notre visite...nous partîmes nous sécher au Musee du site.

Apres toutes ces émotions, nous retournâmes a El Panchan, toujours en combi, pour récupérer nos sacs et nous rendre a la station de bus... direction un autre haut lieu du Chiapas, la ville perchée de San Cristobal...

dimanche 26 août 2007

On the road again...

Le dernier soir a Morelia fut court, et un peu déprimant : nous veillâmes tous jusqu'au départ des derniers, et je fus la dernière à quitter cette maison dans laquelle nous avions vécu durant 20 jours, à 21, avec une seule salle de bains... Même de mon lit dur, je me sentais nostalgique. Shira partit à 3 heures du matin. Chrissi, Anna, Charles, et Chris l'américain à 5 h. Les mexicains me tinrent compagnie jusqu'à mon départ, et Carlos m'accompagna à la gare... Heureusement, je savais que tout n'etait pas terminé, que j'avais mille choses à découvrir encore et Olivier à retrouver. A 16h, j'étais à Mexico City. Je nous réservai une chambre en dortoir pour la nuit (une auberge de jeunesse magnifique, décorée d'azulejos et de peintures...) et sympathisai avec nos compagnons de chambrée, des Autrichiens, par l'entremise d'une partie de UNO. A 22h, Olivier était là. Le lendemain, après un petit déjeuner copieux servi par l'auberge, nous partîmes a la découverte de cette impressionnante capitale. Sur le Zocalo, des hommes et des femmes en costumes traditionnels défilaient et jouaient de la musique, et l'encens embaumait. Nous nous approchâmes. Il y avait une estrade et une banderole : "Rencontre des peuples indigenes d'Amerique Latine". Nous prîmes place sur les chaises. Une femme prit la parole. Elle était la présidente de cette rencontre. Tous les indigènes se tenaient immobiles, l'air grave, autour de l'estrade. Elle conta comment les peuples indigènes avaient toujours vécu avec le souci de respecter l'equilibre de la nature, qu'ils connaissaient la terre mieux que quinconque puisqu'ils la respectaient comme leur mère. Elle parla des multiples alertes que ces peuples avaient données au monde entier, parce qu'ils avaient senti avant tous que nous nous mettions en danger en maltraitant cette terre. Elle insistait sur l'urgence d'agir. Il fallait écouter ceux qui vivent au plus près de la terre. Les représentants de tous ces peuples qu'elle évoquait se tenaient près de nous. Je sentais leur souffrance. Leur costume n'etait par un folklore, il était leur identité, leurs racines. Il était généalogie et cosmogonie. Ils le portaient avec la fierté d'un peuple riche de centaines d'années de culture. Ils affichaient la revendication d'existence d'un peuple qui se sent disparaitre. Ce costume, pour eux, était apparat et lutte. Il avait un sens, aujourd'hui peut-être plus que jamais. Un vieil homme portait une coiffe immense, et la tête d'un aigle sur son front. Une femme maya était enveloppée de tissus bleu. Nous nous levâmes tous pour rendre hommage aux morts du tremblement de terre du Perou. Puis différentes personnalités prirent la parole. Un homme assis devant moi levait le poing. Un indien tint un discours très sévère envers ces européens qui prétendaient tout savoir et ne voulaient rien écouter. Même si je me sentais attaquée, je comprenais le sens de ses mots.

La journée a Mexico s'écoula rapidement. Nous prîmes un repas gargantuesque au célèbre Café Tacuba, celui qui donna son nom au groupe de musique, celui qui fut détuit par un incendie et reconstruit a l'identique. Un menu de 5 plats plus tortillas. Salade de fruits, creme de carotte, riz a la mexicaine, fruits de la passion...Je goutai au tres traditionnel Mole Poblano, de la viande accompagnée d'une sauce faite avec des piments et...du chocolat. C'etait délicieux, mais tres nourrissant. A 17h30, nous étions à la gare routière, prêts à subir un voyage de 15h de bus vers la jungle de Palenque.

samedi 25 août 2007

Premiers de chevauchée


Les derniers jours de camp ont été gorgés d'emotion, comme vous pouvez vous en douter, d'autant plus que nous avons eu 3 jours pour nous dire adieu. Vendredi 18 aout, nous ne travaillons pas, et un "événement surprise" était inscrit a notre calendrier... Les mexicains nous avaient préparé une petite fête. Je retrouvai donc avec plaisir le pick-up, grâce auquel nous fûmes conduits vers une destination inconnue qui s'avera être la maison de Champy, située sur les hauteurs de Morelia. La-bas, du café et des petits gâteaux nous firent patienter (aurais-je oublier de vous dire qu'au Mexique il ne faut pas avoir peur d'attendre ?) Puis ils entrerent en scene, chacun déguisé en tenue traditionnelle de chacun de nos pays...qu'ils étaient beaux a voir! Champy, en maître de cérémonie, fit un discours d'introduction : "Ce que nous avons appris de vous, c'est que nous aimerions en savoir plus". La fête se vêtit d'une solennité que nous n'avions pas soupconnée. Qui n'avait certainement pas éte prémeditée. Mais il y eut, dans leur mots et leurs gestes, une sincérité qui nous atteignit tous au plus profond. Chaque volontaire mexicain avait choisi un volontaire international, celui dont il se sentait le plus proche, pour lui présenter ce qu'il avait appris de lui, et pour lui remettre une photo-montage. Carlos me remit la mienne. Sur une fusion des drapeaux mexicain et francais, du Louvre et de l'aqueduc de Morelia, une photo de moi récoltant les oeufs de la tortue, jouant avec les enfants, ou de cette fameuse chaîne de massage de boue que nous avions faite sur la plage, avec Karine, Anne, et Chrissi... Des souvenirs forts que je ne pourrai oublier... Le lendemain, ce fut a notre tour, nous, volontaires internationaux, d'inviter les mexicains a manger dans notre humble maison. Les sushis cuisinés par Kei et Moe étaient succulents. Je réalisai la performance de faire 70 crêpes... Le dimanche, il y eut un repas folklorique au restaurant. Un vieu Mariachi ecuma les chansons traditionnelles du pays. Puis nous nous quitâmes, une bonne fois pour toute (enfin presque...). Karine et Charles les Québécois, Chrissi et Anna les Autrichiennes, Anne la belge, et moi, partîmes a la station d'autobus pour passer la nuit a Uruapan. Nous avions prévus le lendemain une petite ascension du volcan Paricutin. Nous trouvâmes un toit a Uruapan, dans une petite Posada. Le lendemain, nous étions sur pied a 7h, bien prêts a en découdre avec l'âme du volcan. Paricutin est dans la force de l'âge, a peine 50 ans, même s'il n'est plus en activité. Il s'est formé tres rapidement, engloutissant le village avoisinant dont le clocher de l'église émerge encore de la cendre. Apres 1h de bus qui nous mena a Angahuan, le dernier village sur pied avant le sommet du volcan, nous fûmes accueillis par une floppée de guides tirant une floppée de chevaux. La perspective de parcourir des champs de lave a cheval me séduisait, mais ce n'etait pas le cas de tout le monde, et les guides nous offraient un prix au dessus de nos moyens. Nous décidâmes donc de partir a la recherche d'un guide pour faire une randonnee pédestre. Nous entrâmes donc dans la ville, 6 etrangers timides, suivis de 6 guides locaces trainant 6 chevaux léthargiques. Plus nous pénetrions dans le village, plus l'envie de monter a cheval grandissait en moi, plus le prix que nous proposait les guide s'amenuisait. Nous arrivâmes a un restaurant où une dame accepta de nous garder les sacs pour la journee. Un guide s'avanca vers moi. "Ecoute bien, c'est ma derniere proposition : la journee de randonnee a cheval, pour vous tous a 1100 pesos". Le prix avait baissé de 1000 pesos depuis l'instant de notre rencontre ! Je finis pas convaincre les autres. Mon cheval s'appelait Lobo, il était couleur poil-de-loup, et il aimait caracoler en tête au milieu du désert. Je n'avais qu'a detendre la pression des rênes pour le faire partir au galop, et il aimait cela autant que moi. Le paysage était sublime, le soleil faisait briller la cendre, les nuages tracaient des formes taillées aux ciseaux sur le ciel fluorescent. Je respirai l'air de la montagne. Juste avant le sommet, il fallut abandonner nos chevaux pour la derniere ascencion. C'etait ereintant, car à chaque pas nous nousenfoncions d'une vingtaine de centimètres dans la cendre. En haut, la terre était chaude et fumante, la vue incroyable. Il y avait quelque chose de mythique, une communion avec les forces telluriques. Le retour fut difficile : un orage eclata, nous fûmes trempés jusqu'aux os malgré les ponchos que le guide nous avait remis, et les chevaux étaient apeurés. Si je n'avais pas eu peur, j'aurais trouvé cela magnifique, mais le ciel tonnait tellement fort... La pluie dura une heure, puis nous retrouvâmes le soleil pour un retour plus calme. Ce fut a Uruapan que je me séparai donc définitivement de Karine et d'Anne. Chrissi, Anna, Charles, et moi, repartimes le soir même pour une derniere nuit a Morelia.

samedi 18 août 2007

Xanari-Uni, ultimos dias

Notre deuxième et dernière semaine de travail s'est donc achevée, dans les rires et les larmes. Voici un petit resumé de ces 4 jours. Xanari-Uni, suite et fin de l'aventure...

Lundi, nous revenions donc tout bronzés de la plage, prêts à affronter avec energie une nouvelle semaine de jeux, de courses et de lecons avec les enfants. La premiere semaine avait surtout été consacrée à de activités ludiques : jeux en tout genre, chansons, pâte à sel, création de yoyos en ballon gonflés d'eau, etc. La suite était plus ambitieuse : maintenant que nous avions conquis les minots, nous allions chercher à les éduquer, leur inculquer des valeurs. Lundi, donc, eut lieu notre pièce de théâtre. Lizette, la responsable du projet Xanari-Uni, nous avait laissé toute notre liberté : il fallait que nous écrivions et interpretions une pièce d'une dizaine de minutes, qui illustrerait une valeur. L'écriture de la pièce avait été délicate : comment réunir 20 personnes venant des 4 coins du monde, ne parlant pas la même langue, dans un projet nécessitant unité et concentration ? Nous trouvâmes un subterfuge : parler de notre histoire ! Et voilà comment la mise en abyme devient un levier pour toutes les énergies... L'histoire était simple : un beau jour, une grande tornade balaie la terre. Les hommes du monde entier, emportés par la tempête, sont recueillis dans la maison d'un brave Mexicain, Juan Sombrero. Mais ces hommes, si différents les uns des autres, et remplis de préjugés envers l'inconnu, ne parviennent pas à s'entendre, si bien que ce pauvre Juan Sombrero en tombe malade. Pourtant, ils se rendront compte dans quel état leur manque de tolérance a mis leur hôte, et peu à peu leur attitude va changer. Ismael, un espagnol survolté, tenait le role principal, tandis que nous autres nous etions...nous-même, à quelques écarts près bien sûr. Les enfants semblerent fascinés par l'histoire - l'interprétation d'Ismael n'y était pas pour peu- mais cette expérience eut également un grand interêt pour nous. En effet, nous devions, pour chaque nationalité, trouver une qualité et un défaut. Cela tenait surtout du cliché (nous n'avions pas les moyens de faire une analyse psycho-comportementale des peuples !), mais ce fut l'occasion de parler de l'image de son pays dans le monde. Et les clichés ont souvent un arrière goût de vérité. Une fois le récit de la tempête terminé, nous arrivions tous, nationalité apres nationalité, dans la maison de Juan Sombrero, et nous devions mimer notre comportement. Savez-vous comment sont considérés les francais ? Raffinés, romantiques, et orgueilleux. Je rentrai sur scène en dansant le french cancan... La piece se terminait par une grande fête au cours de laquelle nous apprenions aux enfants que les différences créent la richesse, et nous les convions dans la maison de Juan. Ce fut une réussite, je crois. Ce fut aussi l'occasion de prendre une certaine distance avec ce que nous vivions et ressentions. Une vraie thérapie !



Les autres jours furent consacrés à d'autres activités tout aussi instructives. Mardi, sensibilisation à l'écologie en réalisant des activités sur le tri sélectif et en tranformant des vieilles bouteilles et cartons en maracas et tambourins. Le mercredi haussa d'un ton la note émotionnelle. Après avoir nettoyé avec les enfants un petit terrain de verdure ravagé par les détritus, nous plantâmes avec eux des fleurs et un arbrisseau. Cet arbre, au milieu des pissenlis, symbolise notre projet, et l'amitié qui nous lie à présent. Nous avons demandé aux enfants d'en prendre soin, jours après jours, années après années. Il aurait fallu voir, la gravité sur leur visage à cet instant, et comment ils s'appliquaient a arroser les fleurs, à les protéger en les entourant de pierres, ... C'était pour eux leur facon de nous remercier. Je regardais toutes ces petites mains s'activer autour de moi. Ils avaient compris l'importance de cet arbre pour nous, et quand nous le plantâmes, ils nous entouraient en chantant.


Le lendemain, jeudi, sonnait le glas, mais je ne suis pas sûre que les enfants l'avaient compris. Quand nous arrivâmes dans notre pick-up ils étaient autour de l'arbre. En nous voyant, ils sont venus en courrant, nous entourant de leurs cris. Ils avaient des petits cadeaux pour nous. Je recus des fleurs. Pour cette ultime péripétie, nous avions organisé une kermesse : les enfants étaient divisés en groupes, ils devaient passer par différents stands, réaliser des épreuves afin de gagner des jetons qui leurs permettraient d'acheter des lots. Nous étions disposés aux stands, et les épreuves résumaient les activités que nous avions fait ces deux dernières semaines. Bien sur il y eut la joie des vainqueurs et la déception des perdants, mais ce ne fut pas l'essentiel. J'ai réalisé ce jour-là que nous avions su créer quelque chose entre eux et nous. Les enfants sont-ils capable de ressentir de la reconnaissance ? J'en mettrai ma main à couper aujourd'hui. Je ne sais pas si les enfants pauvres du Mexique sont différents des enfants de France ou d'ailleurs. Mais j'ai été jours après jours touchée par leur maturité. A l'image de cette petite Sarai d'à peine 5 ans qui console sa soeur quand elle pleure, il y a une grande solidarité entre eux. Les aînés portent leurs cousins ou leurs neveux dans leurs bras. Quand je tiens un enfant et que des objets m'encombrent les mains (une feuille de papier, un ballon, mon appareil photo), un enfant me propose de me porter mes affaires. Quand j'echappe quelque chose ils sont plusieurs a se précipiter pour le ramasser. On dirait qu'ils s'appliquent pour qu'on les aime. Ce sont les enfants qui nous choisissent. Moi, ce sont souvent les plus timides qui mem montrent le plus d'affection. Evelyne, 2 ans, ne lachait la main de sa cousine que pour attrapper la mienne. Au moment des adieux, Mary est venue se blottir dans mes bras. Elle ne voulait plus me lâcher, elle poussait de toutes ses forces sa petite tête contre mon cou. "Vous revenez quand l'année prochaine ?" Je lui ai répondu que je ne savais pas vraiment, mais que je reviendrai. Dans un an elle aura oublié mon mensonge. Et puis Itzel est venue m'offrir la sucette qu'elle venait de gagner. J'ai eu beau lui dire que c'etait son cadeau, qu'elle devait le garder, elle ne changea pas d'avis. Les enfants savent ce que c'est que faire un don. J'en suis toute chamboulée. Au final, nous fûmes les seuls, nous autres volontaires, à verser des larmes. Les enfants simplement etaient heureux de leur journée. Ils ne connaissent pas les "plus jamais" ou les "pour toujours" avec lesquels nous cousons nos souvenirs. Adal nous a demandé de signer sur son ballon, et nous sommes repartis, a l'arriere du pick-up, comme n'importe quel jour , à l'exception de nos yeux un peu plus rouges que d'habitude.

mardi 14 août 2007

Les larmes de la tortue

Il était 4h du matin, et je dormais depuis 3h a peine quand mon réveil sonna... Le bus pour Playa Soledad devait partir a 5h. Devant l'IJUM je retrouvai les volontaires mexicains qui avaient bien voulu se joindre a nous pour le week-end : Adriana, Edgar, Juan Pablo, Carlos, et quelques autres. Je dormis pendant les 2 premieres heures du trajet, la tête posée sur la vitre, emmitouflee dans ma serviette de bain car la climatisation était trop forte a mon goût. Mais a mi-trajet, une fois de plus, le paysage mexicain eut raison de ma fatigue. Je passais donc les 3 dernieres heures le nez collé a la vitre, le sourire aux levres, echangeant quelques onomatopées de contemplation avec Karine, qui partageait mon état. Sans doute ne suis-je pas habituée a ces montagnes et ces collines vêtues d'émeraude dissimulant montagnes et collines, a cette terre rouge nourrissant les cactus, a ces lacs décuplant dans leur miroir un espaces deja trop vaste pour le coeur des hommes. Peu a peu le paysage changea, au fur et a mesure que nous perdions de l'altitude et que mes oreilles se bouchaient. La végetation devint plus seche, et nous vîmes apparaître, d'abord timidement puis avec insolence, cocotiers et manguiers sur le bord de la route. Et, au loin mais toujours plus proche, la mer. Playa Soledad portait bien son nom : nous etions au bout de nulle part. Notre lieu de vie ressemblait a ce que je n'osais imaginer par peur d'être decue : une étendue de plage déserte, des cocotiers partout, une maison colorée devant laquelle s'étendaient tables et hamacs protegés du soleil par un toit de palmes. C'est ici, sur la plage, abrité par la palme, que nous installames nos tentes. L'eau n'etait pas d'un bleu azur, car la saison des pluies lave la terre et rend la mer plus sauvage, mais elle faisait 32 degrés et de grandes vagues nous assurait du divertissement. C'est ainsi que nos deux jours et demi s'ecoulerent, plus calmement que les vagues du Pacifique : baignades a repetition, lectures et siestes dans un hamac, repas de poissons grilles ou de quesadillas, et le soir, feu de camp sur la plage avec un verre ou des chamalows grillés... Cela était déja beaucoup, mais cela ne fut pas tout. Le Mexique nous reservait un cadeau. Samedi, dans l'apres-midi, Shira s'avanca précipitamment vers moi en me criant : "Tortuga, Tortuga !" Je vis un atroupement un peu plus loin : une tortue de mer etait venue pondre ses oeufs a Playa Soledad... Et nous l'entourâmes et participâmes avec emotion a ce grand moment de souffrance et de vie. Il lui fallut d'abord creuser un trou, le plus profond possible. Elle grattait le sable de ses pattes arrieres et il voltigeait vers nous. Cela dura trois quart d'heure. Les mexicains etaient ici, veillant a ce que personne n'importune trop le travail ereintant de l'animal. Puis vint le moment de la ponte. La bête souffrait. Sa tete prehistorique se levait et s'abaissait comme si elle demandait au ciel de lui donner la force d'accomplir sa tâche, sa bouche s'ouvrait pour pousser un râle muet. Champi, un des employé de l'IJUM, mexicain jusqu'au bout du sombrero, se pencha vers moi : "Regarde, elle pleure". Et je remarquai en effet une trainee sombre sous chacun de ses yeux. Et je retenais mes larmes... "Tu sais, continua-t-il, normalement les tortues ne pondent jamais le jour, c'est un miracle que vous puissiez assister a cette scène". Lorsque la tortue eut terminee sa ponte, elle reboucha son trou et marcha lentement vers la mer, et nous l'accompagnâmes jusqu'a ce qu'elle disparaisse sous l'eau. Ensuite, sous le conseil des mexicains, nous recoltâmes les oeufs pour les mettre dans un endroit plus sûr, a l'abri des chiens et des braconniers. Je me penchai vers le trou et grattai la terre avec mes ongles pour qu'apparaissent enfin ces oeufs, gros comme des balles de golf, mais avec la transparence et la fragilité de la porcelaine fine... Nous en contâmes 120. Les petits sont attendus pour le 15 septembre, mais seulement quelques uns pourront survivre... Je me souviendrai toujours de ce cadeau de la nature et des larmes de la tortue...

vendredi 10 août 2007

Journée multi-culturelle à Morelia

Aujourd'hui est une grande journée, qui n'est pas encore terminée à l'heure où je vous écris. Mais si je ne vous le raconte pas maintenant, je ne pourrai le faire plus tard, car nous partons demain à l'aube. Nous allons passer la fin de semaine sur la plage. Soledad. Décidément, tout me ramène à Octavio Paz et à son Labyrinthe. Soledad : J'espère que le lieu sera à l'image de son nom et que nous y trouverons une plage déserte. Les plages du Michoacan sont connues pour être très peu fréquentées par les touristes...J'ai tellement hâte de m'y rendre !


Ce matin, nous avions organisé une journée spéciale pour les enfants : une journée multi-culturelle. Chaque volontaire devait organiser des activités en rapport avec son pays d'origine. Les enfants étaient munis de billets d'avion, et ils voyageaient de pays en pays : Japon, Canada, Espagne, Italie, France, Belgique, Allemagne, Autriche, et Etats-Unis étaient leur destination. Je suis ici la seule francaise : c'était donc sur moi seule que portait la responsabilité de présenter la France. J'avais dessiné une grande carte de la France sur laquelle j'avais mis en valeur 4 lieux : Paris, La Bretagne, La Provence et les Alpes. Sur un autre panneau, j'avais placé des photos de ces régions : la Tour Eiffel, le Mont Saint-Michel, Marseille, etc. Puis je parlais de chacune de ces régions, et les enfants devaient reconnaître les photos concernées et les placer correctement sur la carte. J'apprehendais un peu l'exercice : je devais faire face à des groupes d'enfants de tous les âges ( de 4 à 14), seule, leur parler en espagnol, attirer leur attention, et les intéresser... J'ai vraiment était surprise de leur intérêt. C'était une expérience incroyable. Bien sûr, ils étaient quelques fois déconcentrés, mais toujours ils finissaient par tourner vers moi leur petits yeux brillants... Je leur montrai des euros et un billet de 5 euros, leur parlai de Marianne et des crêpes. Et cela pendant 3 heures, de 10 à 13h. Dix groupes de dix enfants. Les parents finirent par s'approcher, curieux de connaître ces drôles de clowns venus de nulle part pour divertir leurs enfants. Nous les conviâmes au voyage. A la fin de la matinée, Shira, notre leader venue d'Israël, nous remercia. C'était elle qui avait eu l'idée de ce jeu, mais elle nous avoua qu'elle n'avait jamais pensé que cela se déroulerait si bien, que nous y mettrions tant d'energie. Elle nous remit une petite friandise avec un petit mot "Juste pour vous dire merci", ecrit dans toutes nos langues...Puis nous rentrâmes chez nous, rompus par l'exercice, mais tellement heureux. Je montais à l'arrière du Pick-up. Avec moi il y avait Chris, un californien à l'allure décalée qui passe son temps à s'excuser au nom de son pays, Moë et Kei, les deux japonnaises, et Juan Pablo, un volontaire mexicain ( il fait ici son "service civil"). J'aime voir défiler ainsi les visages et les paysages, et sentir le vent sur mon visage. Dans ces moments-là j'ai l'impression de vivre quelque chose de fort. Il faudrait voir, ce ciel au bleu si profond, ces montagnes qui nous encerclent, et ces visages dont on apercoit fugacement une expression. C'est dans ces instants-là que je me sens le plus en vie. L'euphorie de vivre. La rencontre avec une terre.



A 14h30 nous mangions tous ensemble à La Cocina, le petit restaurant tout près de notre maison. Puis il fallut nous mettre au travail : écrire une pièce de théâtre pour les enfants. L'exercice fut ereintant, mais tellement riche ! Les espagnols ( Ana, Livia, Carmen et Ismaël) étaient chargés de l'écriture, et moi je tâchai de leur traduire les idées de tout le monde. Ce que raconte notre pièce ? Vous le saurez plus tard. Je vais prendre ma douche et me préparer pour le cours de salsa...

mercredi 8 août 2007

Et quatre jours de plus : Ego et les Sapichus

La semaine du vendredi soir fut mémorable : nos hôtes mexicains nous emmenèrent à l'EGO, la discothèque la plus branchée du Michoacan, sur les hauteurs de Morelia ! Tandis que nous attendions Liz, la responsable du projet Xanari-Uni, pour qu'elle nous remette les pass nous permettant de pénétrer gratuitement dans ce temple sacré de la nuit, nous regardions défiler les limouisines rugissantes, les hommes en costumes blancs et chaussures pointues, les femmes aux mini-jupes et talons aiguilles, et nous nous sentions, nous, occidentaux, comme des ploucs endimanchés. Mais comme cela nous amusait ! Moé, une japonnaise de 18 ans, allait vivre sa première soirée en discothèque. Elle appréhendait ce moment, et me demandait comment il fallait se comporter, "là-bas". Il faut se laisser aller, lui avais-je répondu. Le lieu valait le coup d'oeil : un espace immense baigné dans les néons bleus et roses, des gradins agrémentés de sofas et de tables, et une gigantesque baie vitrée qui terminait la pièce principale et offrait une vue plongeante sur la ville illuminée. Nous dansions un peu plus près du ciel, au dessus de la ville, et cette situation ajoutait une dimension étrange à l'euphorie de la fête, quelque chose de surnaturel... Deux heures après, j'apercevais Moé danser sur l'estrade. La soirée fut longue - nous ne retrouvâmes notre chaumière qu'à l'aube, mais elle nous permit de mieux sympathiser tous ensembles.

Le week-end, en ce qui me concerne, fut surtout consacré à me remettre de cette courte nuit. Je restais seule dans la maison avec Karine, les autres étant partis visiter Patzcuaro. Ce fut pour nous l'occasion d'aller errer dans le Mercado de las Dulces, et de céder pour la première fois à la fièvre acheteuse. Ici, des stands s'entassent dans la joie et la couleur : tissus, vêtements, bijoux, jouets en bois, sandales en cuir, et sucreries représentant le meilleur de l'artisanat de la région... Les vendeurs sont bavards et sympathiques. Quand ils entendent mon accent ils me demandent d'où je viens. " Ah, la France ? C'est de là que vient la chanteuse Alisée ! " Car notre petite Lolita est très célèbre au pays du guacamole. Je tente maladroitement de marchander les prix. Résultat des courses : quelques pesos en moins, mais une paire de sandales en cuir, des cartes postales et deux paires de boucles d'oreille en plus dans le sac à dos. Sans compter les souvenirs qui s'entassent dans la tête...

Et puis voilà que le lundi arrive. La rencontre avec les enfants. Nous nous rendons à 9h à l'IJUM, et les responsables nous conduisent à notre lieu de travail, Quinceo. C'est un quartier pauvre en marge de Morelia, ce qu'on appelle ici une "colonie"( je ne comprends pas vraiment ce que signifie ce terme...). Ballottés dans la voiture qui s'aventure sur un chemin terreux, le paysage défile sous nos yeux. Un marché aux fruits et légumes sur le bord de la route, un vieillard immobile au grand chapeau blanc, des enfants sur des chevaux qui jouent à attraper un âne avec une corde. J'ai du mal à savoir dans quel état de pauvreté vivent ces gens. Les maisons sont vétustes, mais elles sont faites en dur et toujours colorées. Les enfants rient et courrent comme tous les enfants, mais ils sont seuls, livrés à eux-même la plupart du temps. Quand nous arrivons, ils ne sont pas nombreux, une quinzaine tout au plus. Nous commencons les jeux de Rompe Hielo, pour rompre la glace. Le Queso Party, par exemple, et puis Un, Dos, Tres, Estrella. Peu à peu, d'autres enfants arrivent. Une heure plus tard ils sont 30, et nous commencons les présentations par le Salut. C'est un salut hérité de la tradition Purhépécha. Les enfants forment une ronde, et nous autres volontaires nous mettons au centre. U-A-A, crions-nous en coeur, les mains devant la bouche en porte-voix. U-A-A, reprennent les enfants. Puis :
Pampiri Sapichu
U-A-A
Pampiri Nanaka
U-A-A
Pampiri Tataka
U-A-A
Xanari, Xanari-Uni !

En Purhépecha, "Pampiri" signifie "Ami", les Sapichus sont des enfants en bas âge, et les Nanaka et Tataka des petites filles et des petits garcons de 8 à 10 ans.
Après le salut, nous nous divisons en petits groupes pour jouer. Ce sont des enfants comme les autres, vraiment. Peut-être ont-ils encore plus envie de jouer. Quand je me présente et leur annonce que je viens de France, certains poussent des soupirs d'admiration. Mais qu'est-ce que c'est la France pour eux ? Certainement quelque chose de loin, d'inatteignable, et ils n'en reviennent pas que des gens viennent de si loin pour jouer avec eux. Adal est le plus motivé de tous. Il a 8 ans, et il me presse de lui apprendre des mots d'anglais et de francais (le lendemain, il m'accueillera avec un "Hello"). Est-ce que Adal aura la chance d'apprendre tout ce que sa curiosité veut découvrir ? Une petite fille de 4 ans ne dit pas un mot. Même son nom, elle refuse de me le dire. J'ai tout juste le droit à un hochement de tête quand je lui demande si elle a froid. Puis elle se met à pleurer. Sa grande soeur de 6 ans et son petit frère de 8 ans accourrent vers elle pour la consoler. Je suis étonnée et touchée de voir comment une gamine de 6 ans peut prendre un enfant dans les bras et le bercer comme le ferais une mère.

vendredi 3 août 2007

Xanari-Uni, premiers jours

Le Work Camp a enfin commencé. Le 1er août, à 15h, nous nous sommes donc rendues, Karine et moi, en frente de la catedral, où l'équipe de l'IJUM nous attendait. L'IJUM, c'est L'Institud para la Juventud Moreliana, une association qui mène des actions en faveur des jeunes défavorisés de la région, en grande partie des Purhépechas. Je faisais connaissance avec les premiers volontaires internationaux : Moe la japomaise, Ismaël et Lyvia les espagnoles, Charles le québecois... Nous sommes vite conduis à notre nouvelle maison. Des messages de bienvenues sont accrochés au mur, avec nos prenoms et les drapeaux de nos pays. Ils nous montrent la cuisine déjà pleine de nourriture (et je découvre avec délice le caramel à tartiner...). Tout est beau, les mexicains de l´l'IJUM sont plus qu'accueillants, je me sens bien. Ma tartine de caramel à la main, je m'installe sur la banquette et commence à discuter avec les volontaires, en attendant l'arrivée des autres.


Nous sommes nombreux, plus nombreux que prévus : 21. Les mexicains nous ont réservé une petite fête, et la maison peu à peu se remplit de mots et de musique. A 2h du matin, alors que nous nous préparons à nous mettre au lit, on entend une musique monter vers nous...ce sont des Mariachis ! Mais ceux-ci n´ont rien du folklore suranné que l'on vend aux touristes. Cinq jeunes, en jeans et baskets, interpretent à la guitare des chants d'amour, des cris de joie ou de désespoir, et tous les mexicains encore présents chantonnent avec eux, et nous autres, pauvres volontaires aux yeux rougis par la fatigue, voilà que nous sortons de nos lits, enveloppés de nos couvertures, pour s'asseoir dans l'herbe et partager cet instant de vibration de l´âme d'un peuple. Les voix des hommes sont douces et s'accordent avec harmonie, le sons des guitares claquent dans l'air frais, et les refrains sont beaux et simples comme la vie. Nous sommes envoutés. Moi qui voyait les Mariachis comme des pousseurs de chansonnette pour midinette... Car on peut encore chanter l'amour sans avoir l'air niais : tout est une question de sincérité. Et si les Sirenes de Homere étaient des Mariachis ?

Les deux jours suivants sont consacrés à la préparation de notre futur travail. Nous allons avoir chacun un groupe de 10 enfants à charge. Et pour savoir comment mener ces activités, il faut tout d'abord s'y adonner ! Nous avons donc passé deux journées à jouer : apprendre à jouer aux jeux traditionnels mexicains, le Bolleto et la Toupie, car l'IJUM veut que les traditions mexicaines se perpétuent (sans grand succès pour moi, cela nécessite tant d'adresse...), à des jeux plus physiques comme celui de la queue du renard, et des créatifs comme la confection de figurines en pâte à sel. Nous avons également appris à fabriquer du compost, et à trier les ordures selon les règles mexicaines. Enfin, nous avons mis en place des activités sur les valeurs, et nous sommes chargés d'écrire et d'interprêter une pièce de théâtre sur le thème du respect. Tout ceci est captivant, mais j'ai si peur de ne pas être à le hauteur... Les enfants que nous allons rencontrés sont pauvres, et nous sommes peut-être leur unique voyage... Xanari-Uni est le nom de notre projet. En purhépecha, cela signifie Faire son chemin, Tracer sa route.

Les mexicains comptent beaucoup sur nous. Ils débordent d'attention. Le directeur de l'association est venu nous rendre visite pour savoir si tout allait bien, il a lui-même accroché un rideau dans notre chambre puis nous a conduit à la piscine. Ce soir, nous sommes conviés à une petite fête sur une colline depuis laquelle nous pourrons voir la ville illuminée, et à partir de la semaine prochaine, cours de salsa ! J'ai sympathisé avec quelques jeunes volontaires mexicains. Ils ont 20 ans, apprennent le francais à l'Alliance Francaise et rêvent de mon pays.

mardi 31 juillet 2007

Mexico, Tu piel vuelve a mi alma

Quelques jours à peine se sont écoulés depuis mon dernier message, et déjà tant de choses à raconter... Je ressens des sentiments mêlés. Je sais que le bonheur que j'éprouve vient en partie du fait que je me retrouve seule dans ce pays. J'aime ce sentiment de vulnérabilité qui me rend plus sensible à toutes choses. Mais je suis également frustrée de ne pouvoir faire partager mes découvertes (il faudrait un roman pour cela !)
Samedi je me suis baladée seule dans la ville de Morelia. Nous vivons dans un quartier résidentiel, à 30 minutes de la ville. Pour se rendre dans le centre historique de Morelia, il faut donc emprunter ce que les Mexicains nomment un "combi" : une petite camionette amémagée qui circule de quartiers en quartiers, sur le périph tout comme sur les routes cabossées de la campagne. Prendre un combi, c'est faire l'expérience de la proximité ; mais rien a voir avec l'impersonnalité du métro. Dans la camionette, les banquettes sont organisées en rond, si bien que tout le monde se fait face. Il y a l'habituel "Buenas dias" ou "Buenas tardes" que tout le monde s´échange, il y a les regards et les conversations, et l'eternelle cérémonie du cliquetis des pièces. En effet, quiconque qui veut voyager en combi doit payer au chauffeur la somme de 4,5 pesos. Les personnes qui sont au fond du combi ne peuvent pas lui donner l'argent directement , et les pièces se passent donc de mains en mains... Je me place toujours juste derrière le chauffeur, de facon à être l'interlocuteur obligé de tous les passagers qui veulent payer leur place. Et je regarde de tous mes yeux, et j ecoute de toutes mes oreilles, les paroles de ces vieux hommes si beaux et si dignes, avec leur chapeau blanc et les rides profondes de leur peau brûne, de ces femmes qui se tiennent et se signent quand elles entendent les cloches d'une église, de ces enfants qui nous observent comme des bêtes curieuses. Et la route cabossée, et le manque de place qui nous rapprochent et nous donnent l'occasion d'échanger le regard complice des compagnons de galère...


Bref, je me suis donc baladée seule à Morelia. Je me suis rendue dans une librairie pour acheter un livre d'Octavio Paz. Comme je n'avais pas de titre en tête, je demandai à l'homme de me ramener ce qu'il souhaitait. Il n´hésita pas une seconde : El Laberinto de La Soledad. Et j'appréciai cet instant où le hasard me mettait entre les mains un objet qui trouvait mille résonances en moi.

Morelia n est pas un labyrinthe, mais une ville construite par les espagnols au 16e siècle, patrimoine mondiale de l'UNESCO, avec son tracé rectiligne et ces dizaines d églises, ces palais, son aqueduc, ces milles places ombragées décorées de fontaines, ces maisons qui s'ouvrent sur de larges patio entourés d'arcades, et la cathédrale, d'un style herreresque revisité par le néoclassicisme. J'y ai donc erré des heures entières, et dieu sait comme cette ville se prête bien à l'errance. J'ai lu quelques pages d'Octavio Paz au Jardin de La Rosas, grignotté une tortas dans le monastère de San Antonio; j'ai visité le Musée d'art contemporain et le Musée de l'artisanat, etc. J'aime déambuler ainsi dans la ville, seule, avec l'impression de me dissoudre dans l'atmosphère, d'appartenir à cette terre et à ce peuple. Et ce qui est bête, c'est que j'ai parfois l'illusion que cela est vrai.


Et le soir, je retrouve les jeunes bénevoles de Vive Mexico dans notre petite maison du quartier résidentiel. La famille s'est agrandie, c'est l'auberge espagnole plus que jamais ! Maintenant nous sommes Francais, Allemands, Israëliens, Canadiens, Mexicains, Coréens et Danois, et nous passons les soirées à parler, à jouer et à danser (Kim m´a donné mon premier cours de salsa !), nous allons au théàtre ("Tu piel vuelve a mi boca", une pièce mexicaine expérimentale avec des gens nus) et nous goûtons la gastronomie du coin...



Tant de choses encore à raconter. Dimanche, nous sommes allés à Patzcuaro, une ville de pèlerinage, et nous avons découvert ce qu'était un vrai marché au Mexique.


Tant de choses à raconter encore, mais surtout tant de choses à vivre. J'arrête donc ici mon récit, pour l'instant, car le Mexique m'attend.

jeudi 26 juillet 2007

Mi primer dia...



A 18h30, heure locale, je posai les pieds sur la terre mexicaine. Etrangement, je ne me sentais pas du tout anxieuse, peut être trop fatiguée pour ce genre d'émotion (il était en effet 1h30 en France...) Il fallut passer la police (l homme regarda à peine mon formulaire et me fit un clin d oeil pour me signifier que je pouvais passer), chercher les sacs (je retrouvai le mien mais sans le matelas de camping accroché au sommet...) puis se confronter à une douane finalement très conciliante. Un "taxi autorizado" me conduisit à l'auberge de jeunesse. Là bas, les gens étaient de toutes les couleurs et parlaient toutes les langues. Mon accent me trahit vite :

" Hablas frances ?

Si, soy francesa"

Et le jeune homme, espagnol, me confia que les seuls mots qu il connaissait en francais etaient "pomme de terre", "la pluie tombe", et "papillon"... Papillon, m'apprit il, se dit "maraposa" en espagnol, et je pensai alors au petit garcon dont je m'étais occupé il y a quelques jours, et qui criait "Pipiya" quand il en voyait un...

Plus tard, dans la chambre, je choisis un lit en hauteur, juste en face de la fenêtre. Vu d'ici, Mexico me semblait moin effrayant. Et je m'endormis ainsi, dominant la ville, bercée par la rumeur de mille langues.


Le lendemain commenca mon premier jour au Mexique. Quand on voyage seul, rien n est acquis, mais tout devient plus accessible. Ne plus avoir de repères, voilà la clé pour s'en créer de nouveaux. L`être humaim est ainsi : il a besoin de stimulations pour s'arracher à son confort routinier et s'ouvrir à l'inhabituel, et il n y a pas meilleures sollicitations que la nécessité. Je me fis donc violence (l'expression est forte, ce ne fut pas si terrible,) pour m'installer a la table d'inconnus au petit déjeuner. Une suedoise, qui rentrait d'un periple en solitaire au Guatemala, m assura que le metro de Mexico etait un endroit plutot sûr le jour, et je decidai donc de me rendre a la gare routiere en metro. Je me sentais bien, comme en harmonie avec tout ce qui m entourait. En face de moi, une mere mexicaine et sa fille me regardaient en souriant. Elles etaient trait pour trait semblables à ce que les azteques étaient dans mon imaginaire : la peau cuivrée, les yeux noirs en amande, la machoire carrée...Un visage serein et hieratique. Je les trouvais belles comme des statues.


Le periple en bus vers Morelia fut le sommet de la journee. Assise à còte d un vieu mexicain somnolant, je ne ratais rien du spectacle. Il y eut Mexico et ses bidonvilles sur les collines : des cabanes faites de bric et de broc, le plus souvent grises mais parfois vertes, ocres, bleues...Un magnifique chat siamois dort sur un balcon. Un couple s embrasse fievreusement. Je retiens mes larmes. Le Mexique est pauvre, mais la pauvrete se pare de couleurs, de musique et de rire, ce qui la rend plus acceptable à nos yeux ; tout est beau et triste a la fois ; tout est poesie et melancolie . Le chauffeur nous passe un film : c'est une comedie à l'eau de rose avec Jennifer Lopez et Jane Fonda. Nous arrivons dans le Michoacan, qui est tout comme je l'imaginais. Des montagnes partout entre lesquelles d'étroites plaines offrent leur verdure à un habitat parsemé, des arbres et des cactus, des chevres, des vaches et des chevaux paissant sur le bord de la route. Et puis il y a ces lacs, merveilleux, embrumés, dans lesquels les montagnes et les nuages se refletent, si bien qu'on finit par se demander quelle face est la plus réelle...



Et puis j´ai fini par arriver au bureau de Vive Mexico, a Morelia.
Nous sommes 5 à suivre les cours : Karine, la quebecoise, qui est professeur de theâtre à Montreal (car au Quebec on enseigne le theatre a l'ecole), la Coréene Kim (Savez vous que les Coréens ont 1 an à leur naissance, et que c'est au nouvel an qu ils ont un an de plus ?), le danois Sorin, et Mauve, une francaise. Nous logeons dans une maison à la campagne, et nous sommes l'attraction du coin ! Nous avons vite fait connaissance, tous en anglais. Sorin se moque gentiment de mon accent francais quand je dis "vegetables".

vendredi 20 juillet 2007

Du 24/07 au 03/09 : Mon parcours



41 jours pour découvrir un pays, cela paraîtra suffisant aux yeux de certains. En réalité, au Mexique, si grand et si divers, c'est un vrai casse-tête. On ne peut pas tout faire, il faut choisir - et donc, aussi, renoncer. Alors, j'ai épluché mon guide touristique comme on épluche un oignon : retirer une à une les couches superficielles, malgré les yeux qui piquent, et atteindre le coeur, venir à l'essentiel... Le coeur, ou plutôt les mille coeurs battants de cette immense terre. Finalement, je crois qu'il n'y a pas de méthode pour visiter le Mexique, si ce n'est se perdre... Voici donc une ébauche de mon parcours, que je ne respecterai sûrement pas. Pourquoi s'enquiquiner à se construire un programme si ce n'est pour le plaisir de le transgresser ?

  • le chantier à Morelia


- J'arrive le 24 juillet à Mexico, à 18h25. Je passerai donc la nuit dans cette grande capitale, en auberge de jeunesse.

- Le lendemain, départ en bus pour ce qui sera ma ville de résidence pendant près d'un mois : Morelia. Cela prendra 4h de trajet. Je me rendrai au siège de l'association Vive Mexico, qui me logera et me donnera des cours d'espagnol pendant une semaine. Ensuite, c'est le chantier à proprement parler qui commence. Il y a un certain flou (artistique ?) sur ce que sera mon rôlé là-bas. J'ai échangé quelques mails avec Israël Tena, le directeur de l'IJUM (Institud para la Juventud Moreliana) où je vais travailler. Morelia est une grande ville, et elle absorde peu à peu l'espace rural environnant. La population indienne du Michoacan (les Purépechas : descendants des Tarasques, la civilisation préhispannique la plus développée de l'ouest du Mexique, qui repoussait constamment la domination aztèque) se trouve ainsi intégrée peu à peu dans un mode de vie urbain qu'elle connaît parfois très mal. L'IJUM et les volontaires comme moi sommes là pour faciliter l'intégration de ces peuples, par l'entremise de leurs jeunes... Concrètement, je crois que nous ferons des activités culturelles, mais aussi des actions écologiques (enseigner aux enfants à fabriquer du compost, planter des arbres), des jeux... Le choc culturel sera pour moi multiple : je vais participer à un chantier dont les membres viennent du monde entier, pour travailler avec des mexicains et des indiens. Vais-je réussir à me faire comprendre et apprécier dans cette mosaïque bigarrée ?

  • Le Tourisme
Eh oui, je n'y échapperai pas : il me faudra faire la touriste ;-) Pendant mon chantier, je travaillerai à peu près 30h par semaine, ce qui me laissera le temps libre pour visiter le Michoacan. Il est déjà prévu une petite excursion vers les plages du Michoacan, vers le Lago de Patzcuaro, ainsi qu'une ascension du volan Paricutin.A la fin de mon chantier, je retrouve Olivier à Mexico, le 21 aout, pour un petit tour d'une bonne dizaine de jours. Au programme : visite du centre historique de Mexico, puis départ vers les ruines mayas de Palenque (dodo dans une cabane dans la jungle, sisi !!), montée vers San Cristobal de Las Casas, deux jours à Zipolite sur la côte Pacifique (dodo dans une petite cabane sur la plage, sisi ! www.locosmico.com), puis départ vers Oaxaca, excursion à Hierve El Agua,"l'Eau qui bout" (pour un petit bain à 1900m d'altitude) et dans la Sierra Norte à la rencontre des "Pueblos Mancomunados". Enfin, retour à Mexico, pour une dernière visite archéologique, dans les ruines de Teotihuacan. Arrivée à Paris le 4 septembre.










jeudi 19 juillet 2007

7-8 juillet : Stage de préparation avec Concordia

Tous les bénévoles qui partaient pour la première fois en chantier dans les "pays du Sud" étaient tenus de participer à un week-end de préparation. Concordia l'exigeait : il était question de nous préparer à un éventuel choc culturel, aux contraintes de la vie en communauté, et de nous donner d'importantes informations à caractère sanitaire (pensez aux vaccins !!) ou administratif - bref, il s'agissait d'ouvrir les yeux aux derniers éberlués qui pensaient se la couler douce sous les Tropiques. Le mien eut lieu le 7 et 8 juillet...
Nous étions attendu à Versailles. Pas exactement au château, non : une fois la Royale Résidence passée, il fallait marcher un bon quart d'heure le long d'une route (battue par la pluie ce jour-là) pour parvenir au centre. J'arrivai avec une heure de retard (j'avais choisi le mauvais "RER-scargot" qui s'arrêtait à tous les patelins au nom grossier dont l'Ile-de-France est fertile) et trouvai 42 futurs bénévoles sympathisants et sympathiques.
J'avais manqué le petit déjeuner d'accueil ; je ne pus échapper aux jeux des prénoms. On me colla sur la poitrine une étiquette sur laquelle était inscrit mon prénom. Nous fûmes priés de nous asseoir sur les tables et les chaises qui formaient un grand cercle au milieu de la pièce. Puis le premier ordre, lapidaire, sonna : "Nous allons faire connaissance. Enlevez vos chaussures."
Je m'interrogeais sur les raisons de l'exercice : était-il important de connaître les pieds de son prochain pour juger de ses qualités humaines ? Quelle était la prochaine partie de notre corps qu'il allait falloir dévoiler ?? Je tenais à ma pudeur, et déjà, je sentais poindre en moi l'instinct de rébellion zapatiste...
Mais le suspens prit fin quand la seconde instruction fut énoncée : "Vous allez vous mettre debout sur les tables et les chaises et tenter de vous ranger par ordre alphabétique sans mettre un pied à terre." Par malheur, le coin des "A" fut choisi à l'autre bout du cercle, et il me fallut traverser la mer des corps. Si croiser un autre bénévole sur une table était relativement aisé, la chose devenait extrêmement délicate sur une chaise. Et il fallut nous accrocher les uns aux autres. Une Marion me servit de point d'appui, un Marc me sauva du précipice, je me rattrapai à une Fanny, offrit mon bras à Emilie, et enfin rejoignit Alice, mon prédécesseur et la fin de mon supplice.
Pour sûr, cet échange musclé de bras, cette friction des corps et cette recherche effrénée des prénoms fut une manière radicale -et efficace- de lier connaissance.
Je vous passerai sous silence la suite de nos péripéties, qui serait bien trop longue à conter. Mais nous pratiquâmes bien d'autres activités, ludiques et instructives. Un jeu de rôle me permis de prendre conscience de l'impasse à laquelle nous conduit parfois la différence culturelle, quand elle n'est pas abordée avec tolérance et ouverture.
Nous étions 2 groupes de 10 personnes, et chaque groupe formait une communauté définie par des codes sociaux précis (certains imposés par le jeu, d'autres créés par nous-mêmes).
D'un côté il y avait les Ingénieurs, qui possédaient le savoir de créer des ponts mais qui étaient incapables de se servir de leurs mains pour en construire.
De l'autre, les Dardiens (dont je faisais partie), pour qui il était un affront d'adresser la parole à quelqu'un sans le toucher, et qui devaient embrasser dans le cou toute personne à qui ils parlaient pour la première fois.
Bien sûr, aucun des deux groupes ne connaissait les codes et les besoins de l'autre, et les Ingénieurs devaient obtenir des Dardiens la réalisation de leur pont. Les réactions des uns et des autres nous éclaira sur les préjugés culturels qui nous habitent.
Par éthnocentrisme, les Ingénieurs se considérèrent comme appartenant à une "caste" supérieure : ils avaient un savoir particulier, et dans notre société où la connaissance intellectuelle est valorisée par rapport au savoir-faire, ils auraient fait partie de la classe dominante. Pourtant, leur handicap physique les rendait incapable de survivre dans un milieu hostile : ils étaient donc dépendants des Dardiens et, pour cette raison, ne pouvaient prétendre à la supériorité. Or, les Ingénieurs adoptèrent envers les Dardiens une attitude "colonialiste" : voyant que les Dardiens s'enfuyaient quand ils leur adressaient la parole (car ils le faisaient sans les toucher et donc ne respectaient pas leurs codes sociaux), ils ne cherchèrent pas à les comprendre et les encerclèrent. Nous autres Dardiens, qui ne connaissions ni leur handicap ni leur besoin, considerâmes leur attitude comme agressive. Nous étions dans l'impasse.
Ce jeu éclaire parfaitement la notion de "discontinuité culturelle" définie par Claude Lévi-Strauss dans Race et Histoire. Il est difficile de considérer qu'une autre société vit avec des critères culturels différents des siens. Longtemps, l'altérité des cultures a été niée : on se demanda au 18e siècle si les Indiens pouvaient avoir une âme, ou si les paysans n'étaient pas des bêtes... En général, on considère que n'a de valeur que ce la société qui nous porte reconnaît comme valeur. Ainsi, si les Etats-Unis nous paraissent les plus développés, c'est que nous choisissons comme critère le PIB par habitant. Or, il est possible de s'intéresser à un grand nombre d'autres critères (le langage, les techniques, l'art, l'organisation sociale, etc.) Et aujourd'hui, où la prédominance du modèle culturel occidental cause des problèmes écologiques pouvant mettre à mal dans le futur la survie de la communauté, il devient légitime de reconsidérer la supériorité présupposée de ce modèle. Car si toute construction sociale a pour but ultime la survie de l'espèce, un modèle social qui remet en cause cette survie ne peut être considéré comme supérieur - même par ceux qui le constituent.
Le week-end passa bien vite. Après m'être interrogé sur les différences culturelles, après avoir évoqué les différentes situations de conflit que l'on rencontre sur un chantier international, et après avoir mangé du couscous avec les mains, je suis rentrée chez moi, par la même route, toujours sous la pluie, avec sans doute dans la tête une conception moins idéaliste de l'expérience que j'allais vivre, et une vision plus précise de ce qu'allait contenir mon sac et ma trousse à pharmacie !