"Vive Mexico" et Concordia

Bonjour à tous !


Cela faisait longtemps que l'idée me trottait dans la tête. Jusqu'à présent je
n'avais su faire que du tourisme. Avec l'envie de bien faire, certainement :
ne rien dénaturer, ouvrir grand les yeux, respecter "l'autochtone"... j'étais
une touriste appliquée, comme nous le sommes tous de plus en plus. Mais la
rencontre, le vrai choc des esprits, est-il possible dans ces conditions ?

Nous voyageons avec l'Occident dans nos bagages. Nous avons la tête pleine d'attentes qui ne doivent pas être déçues. Notre temps libre est précieux, capitalisons-le ! Voilà le paradoxe du touriste occidental : il veut découvrir un ailleurs authentique, mais il impose inconsciemment le rythme par lequel cet "ailleurs" doit se dévoiler, c'est-à dire en un instant, car l'heure tourne, il y a tant de choses encore à voir, et puis bientôt la vie quotidienne le happera de nouveau alors, pressons...

S'il est nécessaire pour découvrir un pays de s'ouvrir au rapport intime que
son peuple entretient avec le temps, on ne se debarrasse pas de sa propre
conception temporelle comme d'un costard-cravate. Surtout quand l'argent s'en mêle : celui qui vide sa bourse est en droit de recevoir quelque chose en retour ; mais ce que nous cherchons à obtenir, l'humain et le temps, n'est pas une marchandise, et les rapports à l'autre s'en trouvent complexifiés. Si la
rencontre, parfois, survient, elle n'est que l'interruption momentanée d'un système dont nous sommes
prisonniers.

Voilà pourquoi j'ai fait appel à l'association Concordia,
qui organise des chantiers pour bénévoles dans le monde entier. Avec
Vive
Mexico
, son partenaire au Mexique, je vais travailler avec le centre pour la
jeunesse de Morelia
, dans le Michoacan. Ma seule attente ? Etre dépaysée...



mercredi 8 août 2007

Et quatre jours de plus : Ego et les Sapichus

La semaine du vendredi soir fut mémorable : nos hôtes mexicains nous emmenèrent à l'EGO, la discothèque la plus branchée du Michoacan, sur les hauteurs de Morelia ! Tandis que nous attendions Liz, la responsable du projet Xanari-Uni, pour qu'elle nous remette les pass nous permettant de pénétrer gratuitement dans ce temple sacré de la nuit, nous regardions défiler les limouisines rugissantes, les hommes en costumes blancs et chaussures pointues, les femmes aux mini-jupes et talons aiguilles, et nous nous sentions, nous, occidentaux, comme des ploucs endimanchés. Mais comme cela nous amusait ! Moé, une japonnaise de 18 ans, allait vivre sa première soirée en discothèque. Elle appréhendait ce moment, et me demandait comment il fallait se comporter, "là-bas". Il faut se laisser aller, lui avais-je répondu. Le lieu valait le coup d'oeil : un espace immense baigné dans les néons bleus et roses, des gradins agrémentés de sofas et de tables, et une gigantesque baie vitrée qui terminait la pièce principale et offrait une vue plongeante sur la ville illuminée. Nous dansions un peu plus près du ciel, au dessus de la ville, et cette situation ajoutait une dimension étrange à l'euphorie de la fête, quelque chose de surnaturel... Deux heures après, j'apercevais Moé danser sur l'estrade. La soirée fut longue - nous ne retrouvâmes notre chaumière qu'à l'aube, mais elle nous permit de mieux sympathiser tous ensembles.

Le week-end, en ce qui me concerne, fut surtout consacré à me remettre de cette courte nuit. Je restais seule dans la maison avec Karine, les autres étant partis visiter Patzcuaro. Ce fut pour nous l'occasion d'aller errer dans le Mercado de las Dulces, et de céder pour la première fois à la fièvre acheteuse. Ici, des stands s'entassent dans la joie et la couleur : tissus, vêtements, bijoux, jouets en bois, sandales en cuir, et sucreries représentant le meilleur de l'artisanat de la région... Les vendeurs sont bavards et sympathiques. Quand ils entendent mon accent ils me demandent d'où je viens. " Ah, la France ? C'est de là que vient la chanteuse Alisée ! " Car notre petite Lolita est très célèbre au pays du guacamole. Je tente maladroitement de marchander les prix. Résultat des courses : quelques pesos en moins, mais une paire de sandales en cuir, des cartes postales et deux paires de boucles d'oreille en plus dans le sac à dos. Sans compter les souvenirs qui s'entassent dans la tête...

Et puis voilà que le lundi arrive. La rencontre avec les enfants. Nous nous rendons à 9h à l'IJUM, et les responsables nous conduisent à notre lieu de travail, Quinceo. C'est un quartier pauvre en marge de Morelia, ce qu'on appelle ici une "colonie"( je ne comprends pas vraiment ce que signifie ce terme...). Ballottés dans la voiture qui s'aventure sur un chemin terreux, le paysage défile sous nos yeux. Un marché aux fruits et légumes sur le bord de la route, un vieillard immobile au grand chapeau blanc, des enfants sur des chevaux qui jouent à attraper un âne avec une corde. J'ai du mal à savoir dans quel état de pauvreté vivent ces gens. Les maisons sont vétustes, mais elles sont faites en dur et toujours colorées. Les enfants rient et courrent comme tous les enfants, mais ils sont seuls, livrés à eux-même la plupart du temps. Quand nous arrivons, ils ne sont pas nombreux, une quinzaine tout au plus. Nous commencons les jeux de Rompe Hielo, pour rompre la glace. Le Queso Party, par exemple, et puis Un, Dos, Tres, Estrella. Peu à peu, d'autres enfants arrivent. Une heure plus tard ils sont 30, et nous commencons les présentations par le Salut. C'est un salut hérité de la tradition Purhépécha. Les enfants forment une ronde, et nous autres volontaires nous mettons au centre. U-A-A, crions-nous en coeur, les mains devant la bouche en porte-voix. U-A-A, reprennent les enfants. Puis :
Pampiri Sapichu
U-A-A
Pampiri Nanaka
U-A-A
Pampiri Tataka
U-A-A
Xanari, Xanari-Uni !

En Purhépecha, "Pampiri" signifie "Ami", les Sapichus sont des enfants en bas âge, et les Nanaka et Tataka des petites filles et des petits garcons de 8 à 10 ans.
Après le salut, nous nous divisons en petits groupes pour jouer. Ce sont des enfants comme les autres, vraiment. Peut-être ont-ils encore plus envie de jouer. Quand je me présente et leur annonce que je viens de France, certains poussent des soupirs d'admiration. Mais qu'est-ce que c'est la France pour eux ? Certainement quelque chose de loin, d'inatteignable, et ils n'en reviennent pas que des gens viennent de si loin pour jouer avec eux. Adal est le plus motivé de tous. Il a 8 ans, et il me presse de lui apprendre des mots d'anglais et de francais (le lendemain, il m'accueillera avec un "Hello"). Est-ce que Adal aura la chance d'apprendre tout ce que sa curiosité veut découvrir ? Une petite fille de 4 ans ne dit pas un mot. Même son nom, elle refuse de me le dire. J'ai tout juste le droit à un hochement de tête quand je lui demande si elle a froid. Puis elle se met à pleurer. Sa grande soeur de 6 ans et son petit frère de 8 ans accourrent vers elle pour la consoler. Je suis étonnée et touchée de voir comment une gamine de 6 ans peut prendre un enfant dans les bras et le bercer comme le ferais une mère.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

En lisant ces quelques lignes sur ces enfants j'ai repensé à la lettre que Camus envoya à son instituteur au lendemain de son prix Nobel et dont voici quelques mots: " Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j'étais, sans votre enseignement et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. ".
Adal ne sera peut-être ni A.Camus ni O.Paz mais on a envie de lui souhaiter que grace à toi et grace à beaucoup d'autres il ait une vie épanouie et heureuse.