Le week-end, en ce qui me concerne, fut surtout consacré à me remettre de cette courte nuit. Je restais seule dans la maison avec Karine, les autres étant partis visiter Patzcuaro. Ce fut pour nous l'occasion d'aller errer dans le Mercado de las Dulces, et de céder pour la première fois à la fièvre acheteuse. Ici, des stands s'entassent dans la joie et la couleur : tissus, vêtements, bijoux, jouets en bois, sandales en cuir, et sucreries représentant le meilleur de l'artisanat de la région... Les vendeurs sont bavards et sympathiques. Quand ils entendent mon accent ils me demandent d'où je viens. " Ah, la France ? C'est de là que vient la chanteuse Alisée ! " Car notre petite Lolita est très célèbre au pays du guacamole. Je tente maladroitement de marchander les prix. Résultat des courses : quelques pesos en moins, mais une paire de sandales en cuir, des cartes postales et deux paires de boucles d'oreille en plus dans le sac à dos. Sans compter les souvenirs qui s'entassent dans la tête...
Et puis voilà que le lundi arrive. La rencontre avec les enfants. Nous nous rendons à 9h à l'IJUM, et les responsables nous conduisent à notre lieu de travail, Quinceo. C'est un quartier pauvre en marge de Morelia, ce qu'on appelle ici une "colonie"( je ne comprends pas vraiment ce que signifie ce terme...). Ballottés dans la voiture qui s'aventure sur un chemin terreux, le paysage défile sous nos yeux. Un marché aux fruits et légumes sur le bord de la route, un vieillard immobile au grand chapeau blanc, des enfants sur des chevaux qui jouent à attraper un âne avec une corde. J'ai du mal à savoir dans quel état de pauvreté vivent ces gens. Les maisons sont vétustes, mais elles sont faites en dur et toujours colorées. Les enfants rient et courrent comme tous les enfants, mais ils sont seuls, livrés à eux-même la plupart du temps. Quand nous arrivons, ils ne sont pas nombreux, une quinzaine tout au plus. Nous commencons les jeux de Rompe Hielo, pour rompre la glace. Le Queso Party, par exemple, et puis Un, Dos, Tres, Estrella. Peu à peu, d'autres enfants arrivent. Une heure plus tard ils sont 30, et nous commencons les présentations par le Salut. C'est un salut hérité de la tradition Purhépécha. Les enfants forment une ronde, et nous autres volontaires nous mettons au centre. U-A-A, crions-nous en coeur, les mains devant la bouche en porte-voix. U-A-A, reprennent les enfants. Puis :
Pampiri Sapichu
U-A-A
Pampiri Nanaka
U-A-A
Pampiri Tataka
U-A-A
Xanari, Xanari-Uni !
En Purhépecha, "Pampiri" signifie "Ami", les Sapichus sont des enfants en bas âge, et les Nanaka et Tataka des petites filles et des petits garcons de 8 à 10 ans.
Après le salut, nous nous divisons en petits groupes pour jouer. Ce sont des enfants comme les autres, vraiment. Peut-être ont-ils encore plus envie de jouer. Quand je me présente et leur annonce que je viens de France, certains poussent des soupirs d'admiration. Mais qu'est-ce que c'est la France pour eux ? Certainement quelque chose de loin, d'inatteignable, et ils n'en reviennent pas que des gens viennent de si loin pour jouer avec eux. Adal est le plus motivé de tous. Il a 8 ans, et il me presse de lui apprendre des mots d'anglais et de francais (le lendemain, il m'accueillera avec un "Hello"). Est-ce que Adal aura la chance d'apprendre tout ce que sa curiosité veut découvrir ? Une petite fille de 4 ans ne dit pas un mot. Même son nom, elle refuse de me le dire. J'ai tout juste le droit à un hochement de tête quand je lui demande si elle a froid. Puis elle se met à pleurer. Sa grande soeur de 6 ans et son petit frère de 8 ans accourrent vers elle pour la consoler. Je suis étonnée et touchée de voir comment une gamine de 6 ans peut prendre un enfant dans les bras et le bercer comme le ferais une mère.
1 commentaire:
En lisant ces quelques lignes sur ces enfants j'ai repensé à la lettre que Camus envoya à son instituteur au lendemain de son prix Nobel et dont voici quelques mots: " Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j'étais, sans votre enseignement et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. ".
Adal ne sera peut-être ni A.Camus ni O.Paz mais on a envie de lui souhaiter que grace à toi et grace à beaucoup d'autres il ait une vie épanouie et heureuse.
Enregistrer un commentaire