vendredi 28 septembre 2007
Portraits et anecdotes, II : Oaxaca, l'histoire d'une "Commune"
Oaxaca est une ville politiquement troublée, et c'est ce qui m'a séduit. Oaxaca descend dans la rue pour pleurer l'injustice, la corruption, les morts irrésolues. Oaxaca crie sur les murs sa douleur. Ce sont les employés d'un hôtel qui se mettent en grève pour soutenir une collègue injustement renvoyée. C'est une vieille femme qui vend des tortillas sous une banderolle. C'est un artiste qui expose des silhouettes en carton percées de trous de balle.
L'année dernière, les professeurs se sont mis en grève, car ils dénonçaient leurs conditions de travail, et la pauvreté des indigènes qui ne bénéficient pas des richesses de leur terre. Une grande partie de la population les a soutenus. La révolte s'est amplifiée : on dénonce la corruption du gouverneur, le tourisme que l'on développe aux dépens de l'autochtone, les inégalités, etc. Il y eut une grande grève générale, un palais du gouverneur brûlé, une repression violente, des morts et des disparus... Et sur les murs de la ville, les cris du peuple sont effacés : un bout d'affiche ici résiste encore, et ailleurs la fin d'une phrase dévorée par le noir censeur d'un coup de pinceau. Certains slogans subsistent : "David Venegas no es nuestro lider, es nuestro hermano" ( D.V. n'est pas notre leader, il est notre frère). David Venegas est un étudiant contestataire que l'on a battu et emprisonné sous de faux prétextes.Les grandes manifestations, les actions violentes, c'était l'année dernière, mais rien n'est résolu depuis. Les élections du nouveau gouverneur arrivent, alors, on espère.
Si j'avais peur de parler de Oaxaca, c'était par crainte de ma subjectivité. J'avais peur que mon regard brillant d'admiration offre la vision biaisée d'une situation complexe dont, finalement, je ne connais pas grand chose. Je regarde le monde d'un point de vue esthétique, et c'est le pire des regards lorsque l'on parle de politique. Stendhal a cru en Napoléon comme il aurait cru en un héros de roman. Sa morale politique se réduisait à son sens esthétique...mais quelle excuse peut-on donner à l'esthétisme quand il justifie la barbarie ? Peut-on admirer un homme (ou un mouvement populaire) pour sa rhétorique, tout en le condamnant pour ses actions ?
Il flottait dans l'air de Oaxaca une électricité joyeuse et galvanisante. Sur le Zocalo, on montait une estrade pour un show politique, sous les yeux des policiers armés. Les gens parlent, sourient, ils sont sont vie et on le sent. Rien n'a su taire leur révolte. Ils ne connaissant pas la désillusion.
Ils étaient beaux, mais j'avais le devoir de me documenter, pour savoir, au-delà de l'esthétisme. Alors, une fois de retour en France, j'ai cherché. On ne parle pas beaucoup de la "Commune de Oaxaca" dans les medias européens. Je tombai sur quelques articles, et sur une video. Des images bouleversantes. Une femme brandit une fleur blanche face aux policiers. Un slogan que l'on scande : "El pueblo, unido, jamas sera vencido". Face aux policiers, pas d'insultes, mais des tentatives pour les convaincre :"Vous aussi vous faites partie du peuple ! Vous aussi vous êtes pauvres !". Un homme lève un livre au dessus de la tête, comme d'autres lèveraient le poing : "Je suis un instituteur, les livres sont ma seule arme"...
Et je pense à Rome, ville ouverte, de Rossellini, parce qu'il est un des rares films dont l'esthétisme épouse jusqu'à la confusion la dimension politique. Quand Pina s'échappe de la foule pour suivre la camionette où les soldats emmènent Francesco, puis s'effondre sous les balles... il y a ici un réquisitoire contre la barbarie, le premier manifeste du néoréalisme, et une scène à la beauté abstraite. Quand les lignes du corps d'un être, le tracé de son mouvement deviennent sens et art. Cette course insensée de Pina vers la mort, le tracé de son corps qui s'arrache à l'impersonnalité de la foule, se lance dans l'espace avec foi et amour, et choit, désarticulé, en un tressautement de mort, cette courbe a la force abstraite d'une ligne de Kandinsky brisant l'harmonie colorée. Voilà ce que j'ai ressenti à Oaxaca : la beauté et la légitimité d'une indignation.
La dignité de ce peuple me fait penser, à l'instant où j'écris, à la révolte du peuple de Birmanie...
Pour ceux qui veulent s'informer sur l'histoire de la Commune de Oaxaca :
http://www.monde-diplomatique.fr/2006/11/VIGNA/14119
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volte_d%27Oaxaca
lundi 10 septembre 2007
Portraits et anecdotes, I : De la notion de l'Happy Hour en terre mexicaine
Quoi qu'il en soit, acablés mais téméraires, nous acceptâmes la tâche que le destin nous avait assigné en terminant nos breuvages, ce qui donna l'occasion à mon Cher-et-Tendre de faire des photos et des films de ma personne en bien peu avantageuse posture , images qu'il s'empressa à son retour de montrer à la France entière. Après notre apéritif, nous eûmes l'etrange et soudaine envie de dormir, et rejoignimes notre cabana pour une "courte" sieste de laquelle nous sortîmes 3 heures plus tard, à 22h, hagards et affamés !
samedi 8 septembre 2007
Destination Oaxaca, la ville : le voyage.
"Plus tard, on en rigolera." Cette phrase fut le leitmotiv de tous les instants de franche galère que nous vécûmes au Mexique (il n'en n'eut pas tant que ça). Pour moi, il n'y a pas de réelle expérience sans imprévu. Et rester ouvert à l'imprévu, c'est laisser le terrain libre à la galère. J'y étais préparée, prête à l'accepter, et Olivier était prêt à me suivre. Nous rigolâmes donc, d'un rire teinté de jaune, en entendant le grincement de l'animal quand il entrepenait un virage, son vombrissement quand il se risquait à une accélération, et surtout les gesticulations crissantes du levier de vitesse peinant à garder sa position... Mais le chauffeur était vaillant, domptant le levier, agrippant le volant de toutes ses forces, et sa femme, assise à ses côtés sur un petit tabouret matelassé juste en face de la porte grande ouverte de l'autobus, ne semblait pas un poil inquiète. Un virage un peu sec, le tabouret glissant sur le sol humide et elle passait par dessus bord... Mais Jesus-Christ veillait sur sa croix, accroché au dessus du poste de conduite. Ces gens n'étaient pas inconscients, je crois qu'ils étaient mus par une foi fervente doublée d'un certain fatalisme. Si un drame arrive, c'est qu'il doit arriver, voilà leur philosophie. Ils ne passent pas leur vie à imaginer des scénarios catastrophes comme nous le faisons tous la plupart du temps. Ils accueillent la vie avec confiance et le malheur avec résignation. Nous vécûmes donc quelques heures au rythme de ces gens, blottis dans leur bus comme nous le serions dans leur coeur. Une pluie battante s'acharna bientôt sur nous, et un T-shirt recouvrit le marcel. Nous étions perdus dans la montagne, entourés de forêt. Parfois nous dépassions quelques groupements de maisons formant village, ou quelques stands de tacos sur le bord de la route. Des indiens tirant des ânes. Le chauffeur s'arrêtait de temps en temps pour prendre un passager marchant seul sur une route venant de nulle part et menant je-ne-sais-où. Nous accueillâmes à cette occasion le plus beau bébé du monde, qu'une indienne portait sur son dos, emmitouflé dans ces tissus colorés que l'on voit dans les marchés artisanaux. Il portait un bonnet à pompon, et posait sur le monde d'immenses yeux noirs hallucinés, curieux et suppliants. Il me regarda quelques instants, je souris à la mère qui me répondit avec son visage de douceur. A mon grand regret, mes deux amis silencieux descendirent très vite du bus. Plus tard, nous dépassâmes deux voitures embourbées. Notre chauffeur s'arrêta, discuta par la porte ouverte avec l'homme à la voiture bloquée (c'était pourtant un gros 4X4 américain en bien meilleur état que notre boîte de conserve !). Ils cherchaient ensemble une solution. L'homme au 4x4 proposait que notre bus pousse sa voiture, pare-choc contre pare-choc, mais notre chauffeur était sceptique (je suis plutôt de son avis : notre bus n'aurait pas survécu à une telle pression). Il abandonna le 4x4, puis fut pris de regret et entreprit une marche arrière pour le rejoindre. Une nouvelle discussion commença. "Et si nous descendions tous du bus pour l'aider à pousser sa voiture ?", proposa timidement la femme au tabouret. Mais le chauffeur refusa (peut-être songeait-il à ces 2 européens faisant partie de l'équipée...). Longtemps après, sur la route, mari et femme discutèrent de ce qu'ils auraient pu entreprendre pour aider l'homme embourbé. Les mexicains ont un fort esprit d'entraide, et ils devaient se sentir fautifs de n'avoir rien pu faire.
Et c'est ainsi, simplement, que se passèrent les 7 heures de bus. Il y eut quelques pauses - un arrêt sur le bord de la route pour se ravitaller et se réchauffer autour d'une tasse de café ; deux arrêts dans des gares où des passagers nous abandonnèrent et d'autres nous rejoignirent. Nous fûmes les seuls, à l'exception évidente du conducteur et de son épouse, à suivre le trajet de Pochutla jusqu'à Oaxaca. Ce ne devait pas être courant que les gens fassent un si long périple dans ces conditions. Le pire, c'est que nous avons même réussi à y dormir ! Nous débarquâmes donc à la gare 2e classe de Oaxaca, à 21h30, trouvâmes un chauffeur de taxi radio-guidé qui nous mena à notre auberge. Là-bas, je retrouvai par hasard Anne, la volontaire belge que j'avais laissé à Uruapan (enfin, pas tout à fait par hasard : nous avons le même guide). Nous prîmes enfin un vrai repas, sur le Zocalo de Oaxaca, au son de la salsa, des mariachis, et de la flûte de pan : culture latine, vieille tradition mexicaine et tradition indienne, trois strates de la culture musicale mexicaine se succedèrent à nos oreilles comme à ma bouche les strates gastronomiques de mon sincronizada, sorte de sandwich multi-couche de tortillas au guacamole, au queso, et à la purée de frijoles. La richesse d'une culture ne se perçoit pas dans la synthèse, mais dans l'accumulation. Ne pas craindre la cacophonie est le plus sûr moyen d'accéder à l'harmonie. L'identité. Ce fut le leçon que je reçus d'un sandwich. Pour sûr, nous avions ajouté ce jour-là une strate importante à notre connaissance de la culture mexicaine.
samedi 1 septembre 2007
Oaxaca, l'Etat, la côte
Zipolite est l'exemple type du lieu où le temps s'est arrêté. 200 âmes vivent là peut-être. La moitié de la population est Mexicaine. Ils tiennent des épiceries ou travaillent dans les restaurants. Leurs gestes sont longs et amples (je me souviens de ce mexicain gérant d'un petit restaurant qui balançait sa toute jeune fille dormant dans le hamac tout en regardant un télefilm...). L'autre moitié est constituée d'etrangers, mais pas seulement des touristes. Plus de la moitié des visages pâles vivent a Zipolite. Ils y coulent des jours simples et tranquiles, a l'écart du temps. Ils y passent l'eternelle journée de leur vie. Tous ont une histoire. On aimerait la connaitre, mais ils se taisent sur leur passé, bien qu'ils soient bavards pour bien d'autre choses. C'était le cas de notre hôte, Regula, une suisse de Zurich, gérante de Lo Cosmico, un ensemble de cabanes en bois situées sur un promontoire rocheux sur la plage. Regula n'a pas d'âge. Son visage est marqué par les années, mais elle se déplace et sourit avec la nonchalance d'une jeune fille. Souvent elle part dans de longues promenades au bord de la plage, avec ses chiens. Quand je lui ai demandé depuis combien de temps elle était là, elle s'est contenté de me répondre "depuis une éternité". Je n'ai pas insisté.
Nous nous sommes donc coulés dans la vie de Zipolite, avec délice et lenteur. La seule violence qui existait était celle de la mer. De grandes vagues aux forts courants. Il y eut quelques petits événements. Une tortue (encore !) qui vint pondre ses oeufs. Cela nous permit de faire la connaissance de Mauricio, un sauveteur, tout heureux et fier que son pays nous fasse vivre cette expérience. Et puis une matinée de plongée en tuba, menée par un couple germano-autrichiens, de jeunes amoureux au physique de série télè qui avaient chacun gravé "Für immer", Pour toujours, sur leur avant-bras. Nous vîmes de jolis poissons bariolés, et des tortues qui faisaient l'amour dans l'eau (savez-vous que cela peut durer jusqu'a 4 jours, provoquant la mort par épuisement d'un des partenaires ?). Nous bumes des Mojito et mangeames des poisson grillés. Et nous partimes comme nous étions venus, en camioneta, mais les visages qui dèfilerent sous nos yeux alors avaient un peu plus de sens pour nous. Un vieil homme monta dans le pick up avec nous, avec sa brouette. Il partait en ville la faire réparer, car la tolle était fendue. Ce fut notre dernière rencontre. Et Zipolite prit dans notre mémoire l'opacité et le mystère d'un rêve.
lundi 27 août 2007
Sur les traces des indiens du Chiapas
!!Disclaimer: afin de rapporter le plus rapidement nos aventures, le style de notre journaliste habituelle a dû être sacrifié... moins d'émotions au programme, mais les faits seront là!
Après 6h de bus pour parcourir 220km de route sinueuse dans les hauts plateaux du Chiapas, nous avons débarqué, hagards, à San Christobal de Las Casas. À peine le temps de réaliser, un mexicain nous alpague, dehors, sous la pluie, nous propose une auberge à quelques rues du centre, et pour nous convaincre, nous indique que le taxi nous est offert ainsi que le petit-déj. Nous y passerons finalement 2 nuits, séduits par l'ambiance et le petit-déj!
Dès le soir, nous partions à la découverte de la ville, en quête du seul vrai repas de la journée. Nous en avons profité pour découvrir la ville et son artère principale - la Carrer Real Guadalupe - qui rassemblait tout ce dont nous aurions besoin par la suite: une grande rue mal pavée - comme la plupart au Mexique - une succession d'hôtels de baroudeurs, de restaurants, d'agences organisant des excursions touristiques... le repas fut donc pris rapidement au El Gato Gordo, puis dodo.
La matinée bien avancée par une grasse matinée bien méritée, nous entamions notre visite du centre ville par le marché d'artisanat local. Autour d'une petite église, une multitude de stands sommaires, tenus par des indiens venus des villages environnants, proposait bijoux, habits traditionnels, articles en cuirs... quelques chariots de vendeurs de tacos embaumaient l'air d'odeurs appétissantes. On en profita donc pour se ravitailler, une dizaine de tacos - poulet, boeuf, tripes avec supplément de viande -, pour moins de 3 Euros. Longtemps, ce repas restera notre référence, et dorénavant notre unité de conversion. Nos flâneries digestives nous ont poussés vers la place principale, entourée d'arcades, du palais municipal, et d'une église. Le tout dans le plus pur style colonial: bâtiments aux couleurs chaudes, rues pavées perpendiculaires. À côté du palacio municipal, un groupe d'indiens faisait une démonstration de danses et de chants de cultures préhispaniques. Les costumes de peaux, de plumes et de perles se secouaient sur le rythme effréné des tambours. Ces 2 diables couraient et sautaient dans une arène que délimitaient les montagnes entourant San Christobal, où se trouvaient les dernières communautés indiennes.
Dimanche, nous étions parés pour l'aventure dès 8h30: direction le canyon du Sumidero, au nord de Tuxtla. Sur les 10h, harnachés de nos gilets de sauvetages, nous prenions place à bord d'une petite embarcation plate, surplombée d'un poste de pilotage à l'arrière. A plus de 50km/h, nous foncions dans le défilé montagneux du Sumidero. Fréquemment le guide arrêtait notre bâteau, dont l'avant retombait subitement dans l'eau, pour nous faire profiter de la faune, de la flore et des curiosités étonnantes dont le canyon regorgeait. Au milieu de ces parois vertigineuses, qui culminaient jusqu'à1000m plus haut, vivaient d'innombrables oiseaux - martins pêcheurs, hérons, grues, cormorans, pélicans, vautours. Nous vîmes aussi des chauves-souris, quelques singes-araignées et... quelques crocodiles. Dans la partie amont du canyon, la plus ensoleillée, le pilote s'approcha plusieurs fois de petites plages où se chauffaient ces grands lézards préhistoriques. L'un d'eux, visiblemment agacés par notre bateau qui venait de toucher le banc de sable à quelques mètres de lui, s'est élancé brusquemment vers nous, avec une vivacité qu'on avait du mal à imaginer 1 seconde auparavant, lorsqu'il ne semblait encore qu'une grosse épave végétale. Les passagers à tribord doivent encore frissonner d'avoir vu passer cette gueule immense à moins de 2m d'eux.
Le midi, notre minibus nous laissa vadrouiller dans Chiapa del Corzo, à quelques km du canyon. Après un rapide tour au marché local, au milieu des étals de fruits et légumes, de viandes et de babioles - le tout dans la chaleur et les mouches -, nous avalions un rapide menu du jour, copieux et bon, avant de redescdendre à San Christobal.
Nous avons occupé les 5h qui nous séparaient de notre prochain départ, par une nouvelle visite du marché artisanal, où nous apprîmes à nos dépends les subtilités du marchandage au Mexique. Un homme à qui nous voulions acheter des peintures sur cuirs mayas, accepta de nous baisser le prix de quelques dizaines de pesos. Voulant comparer les prix, nous le quittâmes en lui promettant de revenir. Mais, quand après s'être rendu compte que son offre était intéressante, nous retournâmes à son stand, véxé de notre méfiance, il refusa de nous accorder le prix qu'il nous avait offert quelques minutes auparavant.
C'est avec un certain pincement au coeur, que nous quittions le soir même ce bel et sauvage état du Chiapas, pour Zipolite, petite plage perdue sur la côte Pacifique, dans l'état de Oaxaca.
Chiapas, premiere etape...
Le lendemain, nous etions debout a 7h, bien décidés a être les premiers a grimper les marches du Temple des Inscriptions de l'ancienne cité maya. Nous attendimes a l'entrée d'El Panchan un combi qui ne tarda pas a arriver. Les ruines de Palenque se trouvent au milieu de la jungle, dans un parc protégé. Nous entrames a l'ouverture des visites, a 8 h. Il n'y avait presque personne, et la brume restait accrochee aux edifices. Ainsi, on ressentait mieux le mystere des lieux. On n'avait presque l'illusion d'entretenir un rapport intime avec la pierre blanche, l'arbre et l'oiseau. Quelques fois, le cri d'un singe hurleur s'élevait au dessus des ruines. Il y a une vingtaine de batiments dégagés, et encore beaucoup a découvrir. De grandes pyramides a gradins servent de plateforme a un temple ou a une tombe. Dans le Temple des Inscriptions, on a trouvé un Tombe parée de mille trésors, celle du Roi de Pakal, dont le visage était recouvert d'un masque de jade. Le Palais, deuxieme batiment majeur du site, accueillait la famille royale et sa cour. Sur le site, on trouve encore les grandes dalles sculptées : des dignitaires du royaume y decouvrent leurs visages nobles aux traits ovales et sereins. L'art maya de Palenque est l'art de la période classique de la civilisation maya, pas étonnant que ses formes soient si pures... Notre visite du site fut marquée par deux événements, de qualité inégale : la rencontre tout a fait fortuite avec Mayca et Ismael (alias Chuty), deux ex-volontaires de Morelia, et l'arrivée de la pluie battante qui, malgré notre bravoure et mon poncho, ecourta notre visite...nous partîmes nous sécher au Musee du site.
Apres toutes ces émotions, nous retournâmes a El Panchan, toujours en combi, pour récupérer nos sacs et nous rendre a la station de bus... direction un autre haut lieu du Chiapas, la ville perchée de San Cristobal...
dimanche 26 août 2007
On the road again...
La journée a Mexico s'écoula rapidement. Nous prîmes un repas gargantuesque au célèbre Café Tacuba, celui qui donna son nom au groupe de musique, celui qui fut détuit par un incendie et reconstruit a l'identique. Un menu de 5 plats plus tortillas. Salade de fruits, creme de carotte, riz a la mexicaine, fruits de la passion...Je goutai au tres traditionnel Mole Poblano, de la viande accompagnée d'une sauce faite avec des piments et...du chocolat. C'etait délicieux, mais tres nourrissant. A 17h30, nous étions à la gare routière, prêts à subir un voyage de 15h de bus vers la jungle de Palenque.
samedi 25 août 2007
Premiers de chevauchée
Les derniers jours de camp ont été gorgés d'emotion, comme vous pouvez vous en douter, d'autant plus que nous avons eu 3 jours pour nous dire adieu. Vendredi 18 aout, nous ne travaillons pas, et un "événement surprise" était inscrit a notre calendrier... Les mexicains nous avaient préparé une petite fête. Je retrouvai donc avec plaisir le pick-up, grâce auquel nous fûmes conduits vers une destination inconnue qui s'avera être la maison de Champy, située sur les hauteurs de Morelia. La-bas, du café et des petits gâteaux nous firent patienter (aurais-je oublier de vous dire qu'au Mexique il ne faut pas avoir peur d'attendre ?) Puis ils entrerent en scene, chacun déguisé en tenue traditionnelle de chacun de nos pays...qu'ils étaient beaux a voir! Champy, en maître de cérémonie, fit un discours d'introduction : "Ce que nous avons appris de vous, c'est que nous aimerions en savoir plus". La fête se vêtit d'une solennité que nous n'avions pas soupconnée. Qui n'avait certainement pas éte prémeditée. Mais il y eut, dans leur mots et leurs gestes, une sincérité qui nous atteignit tous au plus profond. Chaque volontaire mexicain avait choisi un volontaire international, celui dont il se sentait le plus proche, pour lui présenter ce qu'il avait appris de lui, et pour lui remettre une photo-montage. Carlos me remit la mienne. Sur une fusion des drapeaux mexicain et francais, du Louvre et de l'aqueduc de Morelia, une photo de moi récoltant les oeufs de la tortue, jouant avec les enfants, ou de cette fameuse chaîne de massage de boue que nous avions faite sur la plage, avec Karine, Anne, et Chrissi... Des souvenirs forts que je ne pourrai oublier... Le lendemain, ce fut a notre tour, nous, volontaires internationaux, d'inviter les mexicains a manger dans notre humble maison. Les sushis cuisinés par Kei et Moe étaient succulents. Je réalisai la performance de faire 70 crêpes... Le dimanche, il y eut un repas folklorique au restaurant. Un vieu Mariachi ecuma les chansons traditionnelles du pays. Puis nous nous quitâmes, une bonne fois pour toute (enfin presque...). Karine et Charles les Québécois, Chrissi et Anna les Autrichiennes, Anne la belge, et moi, partîmes a la station d'autobus pour passer la nuit a Uruapan. Nous avions prévus le lendemain une petite ascension du volcan Paricutin. Nous trouvâmes un toit a Uruapan, dans une petite Posada. Le lendemain, nous étions sur pied a 7h, bien prêts a en découdre avec l'âme du volcan. Paricutin est dans la force de l'âge, a peine 50 ans, même s'il n'est plus en activité. Il s'est formé tres rapidement, engloutissant le village avoisinant dont le clocher de l'église émerge encore de la cendre. Apres 1h de bus qui nous mena a Angahuan, le dernier village sur pied avant le sommet du volcan, nous fûmes accueillis par une floppée de guides tirant une floppée de chevaux. La perspective de parcourir des champs de lave a cheval me séduisait, mais ce n'etait pas le cas de tout le monde, et les guides nous offraient un prix au dessus de nos moyens. Nous décidâmes donc de partir a la recherche d'un guide pour faire une randonnee pédestre. Nous entrâmes donc dans la ville, 6 etrangers timides, suivis de 6 guides locaces trainant 6 chevaux léthargiques. Plus nous pénetrions dans le village, plus l'envie de monter a cheval grandissait en moi, plus le prix que nous proposait les guide s'amenuisait. Nous arrivâmes a un restaurant où une dame accepta de nous garder les sacs pour la journee. Un guide s'avanca vers moi. "Ecoute bien, c'est ma derniere proposition : la journee de randonnee a cheval, pour vous tous a 1100 pesos". Le prix avait baissé de 1000 pesos depuis l'instant de notre rencontre ! Je finis pas convaincre les autres. Mon cheval s'appelait Lobo, il était couleur poil-de-loup, et il aimait caracoler en tête au milieu du désert. Je n'avais qu'a detendre la pression des rênes pour le faire partir au galop, et il aimait cela autant que moi. Le paysage était sublime, le soleil faisait briller la cendre, les nuages tracaient des formes taillées aux ciseaux sur le ciel fluorescent. Je respirai l'air de la montagne. Juste avant le sommet, il fallut abandonner nos chevaux pour la derniere ascencion. C'etait ereintant, car à chaque pas nous nousenfoncions d'une vingtaine de centimètres dans la cendre. En haut, la terre était chaude et fumante, la vue incroyable. Il y avait quelque chose de mythique, une communion avec les forces telluriques. Le retour fut difficile : un orage eclata, nous fûmes trempés jusqu'aux os malgré les ponchos que le guide nous avait remis, et les chevaux étaient apeurés. Si je n'avais pas eu peur, j'aurais trouvé cela magnifique, mais le ciel tonnait tellement fort... La pluie dura une heure, puis nous retrouvâmes le soleil pour un retour plus calme. Ce fut a Uruapan que je me séparai donc définitivement de Karine et d'Anne. Chrissi, Anna, Charles, et moi, repartimes le soir même pour une derniere nuit a Morelia.
samedi 18 août 2007
Xanari-Uni, ultimos dias
Lundi, nous revenions donc tout bronzés de la plage, prêts à affronter avec energie une nouvelle semaine de jeux, de courses et de lecons avec les enfants. La premiere semaine avait surtout été consacrée à de activités ludiques : jeux en tout genre, chansons, pâte à sel, création de yoyos en ballon gonflés d'eau, etc. La suite était plus ambitieuse : maintenant que nous avions conquis les minots, nous allions chercher à les éduquer, leur inculquer des valeurs. Lundi, donc, eut lieu notre pièce de théâtre. Lizette, la responsable du projet Xanari-Uni, nous avait laissé toute notre liberté : il fallait que nous écrivions et interpretions une pièce d'une dizaine de minutes, qui illustrerait une valeur. L'écriture de la pièce avait été délicate : comment réunir 20 personnes venant des 4 coins du monde, ne parlant pas la même langue, dans un projet nécessitant unité et concentration ? Nous trouvâmes un subterfuge : parler de notre histoire ! Et voilà comment la mise en abyme devient un levier pour toutes les énergies... L'histoire était simple : un beau jour, une grande tornade balaie la terre. Les hommes du monde entier, emportés par la tempête, sont recueillis dans la maison d'un brave Mexicain, Juan Sombrero. Mais ces hommes, si différents les uns des autres, et remplis de préjugés envers l'inconnu, ne parviennent pas à s'entendre, si bien que ce pauvre Juan Sombrero en tombe malade. Pourtant, ils se rendront compte dans quel état leur manque de tolérance a mis leur hôte, et peu à peu leur attitude va changer. Ismael, un espagnol survolté, tenait le role principal, tandis que nous autres nous etions...nous-même, à quelques écarts près bien sûr. Les enfants semblerent fascinés par l'histoire - l'interprétation d'Ismael n'y était pas pour peu- mais cette expérience eut également un grand interêt pour nous. En effet, nous devions, pour chaque nationalité, trouver une qualité et un défaut. Cela tenait surtout du cliché (nous n'avions pas les moyens de faire une analyse psycho-comportementale des peuples !), mais ce fut l'occasion de parler de l'image de son pays dans le monde. Et les clichés ont souvent un arrière goût de vérité. Une fois le récit de la tempête terminé, nous arrivions tous, nationalité apres nationalité, dans la maison de Juan Sombrero, et nous devions mimer notre comportement. Savez-vous comment sont considérés les francais ? Raffinés, romantiques, et orgueilleux. Je rentrai sur scène en dansant le french cancan... La piece se terminait par une grande fête au cours de laquelle nous apprenions aux enfants que les différences créent la richesse, et nous les convions dans la maison de Juan. Ce fut une réussite, je crois. Ce fut aussi l'occasion de prendre une certaine distance avec ce que nous vivions et ressentions. Une vraie thérapie !
Les autres jours furent consacrés à d'autres activités tout aussi instructives. Mardi, sensibilisation à l'écologie en réalisant des activités sur le tri sélectif et en tranformant des vieilles bouteilles et cartons en maracas et tambourins. Le mercredi haussa d'un ton la note émotionnelle. Après avoir nettoyé avec les enfants un petit terrain de verdure ravagé par les détritus, nous plantâmes avec eux des fleurs et un arbrisseau. Cet arbre, au milieu des pissenlis, symbolise notre projet, et l'amitié qui nous lie à présent. Nous avons demandé aux enfants d'en prendre soin, jours après jours, années après années. Il aurait fallu voir, la gravité sur leur visage à cet instant, et comment ils s'appliquaient a arroser les fleurs, à les protéger en les entourant de pierres, ... C'était pour eux leur facon de nous remercier. Je regardais toutes ces petites mains s'activer autour de moi. Ils avaient compris l'importance de cet arbre pour nous, et quand nous le plantâmes, ils nous entouraient en chantant.
Le lendemain, jeudi, sonnait le glas, mais je ne suis pas sûre que les enfants l'avaient compris. Quand nous arrivâmes dans notre pick-up ils étaient autour de l'arbre. En nous voyant, ils sont venus en courrant, nous entourant de leurs cris. Ils avaient des petits cadeaux pour nous. Je recus des fleurs. Pour cette ultime péripétie, nous avions organisé une kermesse : les enfants étaient divisés en groupes, ils devaient passer par différents stands, réaliser des épreuves afin de gagner des jetons qui leurs permettraient d'acheter des lots. Nous étions disposés aux stands, et les épreuves résumaient les activités que nous avions fait ces deux dernières semaines. Bien sur il y eut la joie des vainqueurs et la déception des perdants, mais ce ne fut pas l'essentiel. J'ai réalisé ce jour-là que nous avions su créer quelque chose entre eux et nous. Les enfants sont-ils capable de ressentir de la reconnaissance ? J'en mettrai ma main à couper aujourd'hui. Je ne sais pas si les enfants pauvres du Mexique sont différents des enfants de France ou d'ailleurs. Mais j'ai été jours après jours touchée par leur maturité. A l'image de cette petite Sarai d'à peine 5 ans qui console sa soeur quand elle pleure, il y a une grande solidarité entre eux. Les aînés portent leurs cousins ou leurs neveux dans leurs bras. Quand je tiens un enfant et que des objets m'encombrent les mains (une feuille de papier, un ballon, mon appareil photo), un enfant me propose de me porter mes affaires. Quand j'echappe quelque chose ils sont plusieurs a se précipiter pour le ramasser. On dirait qu'ils s'appliquent pour qu'on les aime. Ce sont les enfants qui nous choisissent. Moi, ce sont souvent les plus timides qui mem montrent le plus d'affection. Evelyne, 2 ans, ne lachait la main de sa cousine que pour attrapper la mienne. Au moment des adieux, Mary est venue se blottir dans mes bras. Elle ne voulait plus me lâcher, elle poussait de toutes ses forces sa petite tête contre mon cou. "Vous revenez quand l'année prochaine ?" Je lui ai répondu que je ne savais pas vraiment, mais que je reviendrai. Dans un an elle aura oublié mon mensonge. Et puis Itzel est venue m'offrir la sucette qu'elle venait de gagner. J'ai eu beau lui dire que c'etait son cadeau, qu'elle devait le garder, elle ne changea pas d'avis. Les enfants savent ce que c'est que faire un don. J'en suis toute chamboulée. Au final, nous fûmes les seuls, nous autres volontaires, à verser des larmes. Les enfants simplement etaient heureux de leur journée. Ils ne connaissent pas les "plus jamais" ou les "pour toujours" avec lesquels nous cousons nos souvenirs. Adal nous a demandé de signer sur son ballon, et nous sommes repartis, a l'arriere du pick-up, comme n'importe quel jour , à l'exception de nos yeux un peu plus rouges que d'habitude.
mardi 14 août 2007
Les larmes de la tortue
vendredi 10 août 2007
Journée multi-culturelle à Morelia
Ce matin, nous avions organisé une journée spéciale pour les enfants : une journée multi-culturelle. Chaque volontaire devait organiser des activités en rapport avec son pays d'origine. Les enfants étaient munis de billets d'avion, et ils voyageaient de pays en pays : Japon, Canada, Espagne, Italie, France, Belgique, Allemagne, Autriche, et Etats-Unis étaient leur destination. Je suis ici la seule francaise : c'était donc sur moi seule que portait la responsabilité de présenter la France. J'avais dessiné une grande carte de la France sur laquelle j'avais mis en valeur 4 lieux : Paris, La Bretagne, La Provence et les Alpes. Sur un autre panneau, j'avais placé des photos de ces régions : la Tour Eiffel, le Mont Saint-Michel, Marseille, etc. Puis je parlais de chacune de ces régions, et les enfants devaient reconnaître les photos concernées et les placer correctement sur la carte. J'apprehendais un peu l'exercice : je devais faire face à des groupes d'enfants de tous les âges ( de 4 à 14), seule, leur parler en espagnol, attirer leur attention, et les intéresser... J'ai vraiment était surprise de leur intérêt. C'était une expérience incroyable. Bien sûr, ils étaient quelques fois déconcentrés, mais toujours ils finissaient par tourner vers moi leur petits yeux brillants... Je leur montrai des euros et un billet de 5 euros, leur parlai de Marianne et des crêpes. Et cela pendant 3 heures, de 10 à 13h. Dix groupes de dix enfants. Les parents finirent par s'approcher, curieux de connaître ces drôles de clowns venus de nulle part pour divertir leurs enfants. Nous les conviâmes au voyage. A la fin de la matinée, Shira, notre leader venue d'Israël, nous remercia. C'était elle qui avait eu l'idée de ce jeu, mais elle nous avoua qu'elle n'avait jamais pensé que cela se déroulerait si bien, que nous y mettrions tant d'energie. Elle nous remit une petite friandise avec un petit mot "Juste pour vous dire merci", ecrit dans toutes nos langues...Puis nous rentrâmes chez nous, rompus par l'exercice, mais tellement heureux. Je montais à l'arrière du Pick-up. Avec moi il y avait Chris, un californien à l'allure décalée qui passe son temps à s'excuser au nom de son pays, Moë et Kei, les deux japonnaises, et Juan Pablo, un volontaire mexicain ( il fait ici son "service civil"). J'aime voir défiler ainsi les visages et les paysages, et sentir le vent sur mon visage. Dans ces moments-là j'ai l'impression de vivre quelque chose de fort. Il faudrait voir, ce ciel au bleu si profond, ces montagnes qui nous encerclent, et ces visages dont on apercoit fugacement une expression. C'est dans ces instants-là que je me sens le plus en vie. L'euphorie de vivre. La rencontre avec une terre.
A 14h30 nous mangions tous ensemble à La Cocina, le petit restaurant tout près de notre maison. Puis il fallut nous mettre au travail : écrire une pièce de théâtre pour les enfants. L'exercice fut ereintant, mais tellement riche ! Les espagnols ( Ana, Livia, Carmen et Ismaël) étaient chargés de l'écriture, et moi je tâchai de leur traduire les idées de tout le monde. Ce que raconte notre pièce ? Vous le saurez plus tard. Je vais prendre ma douche et me préparer pour le cours de salsa...
mercredi 8 août 2007
Et quatre jours de plus : Ego et les Sapichus
Le week-end, en ce qui me concerne, fut surtout consacré à me remettre de cette courte nuit. Je restais seule dans la maison avec Karine, les autres étant partis visiter Patzcuaro. Ce fut pour nous l'occasion d'aller errer dans le Mercado de las Dulces, et de céder pour la première fois à la fièvre acheteuse. Ici, des stands s'entassent dans la joie et la couleur : tissus, vêtements, bijoux, jouets en bois, sandales en cuir, et sucreries représentant le meilleur de l'artisanat de la région... Les vendeurs sont bavards et sympathiques. Quand ils entendent mon accent ils me demandent d'où je viens. " Ah, la France ? C'est de là que vient la chanteuse Alisée ! " Car notre petite Lolita est très célèbre au pays du guacamole. Je tente maladroitement de marchander les prix. Résultat des courses : quelques pesos en moins, mais une paire de sandales en cuir, des cartes postales et deux paires de boucles d'oreille en plus dans le sac à dos. Sans compter les souvenirs qui s'entassent dans la tête...
Et puis voilà que le lundi arrive. La rencontre avec les enfants. Nous nous rendons à 9h à l'IJUM, et les responsables nous conduisent à notre lieu de travail, Quinceo. C'est un quartier pauvre en marge de Morelia, ce qu'on appelle ici une "colonie"( je ne comprends pas vraiment ce que signifie ce terme...). Ballottés dans la voiture qui s'aventure sur un chemin terreux, le paysage défile sous nos yeux. Un marché aux fruits et légumes sur le bord de la route, un vieillard immobile au grand chapeau blanc, des enfants sur des chevaux qui jouent à attraper un âne avec une corde. J'ai du mal à savoir dans quel état de pauvreté vivent ces gens. Les maisons sont vétustes, mais elles sont faites en dur et toujours colorées. Les enfants rient et courrent comme tous les enfants, mais ils sont seuls, livrés à eux-même la plupart du temps. Quand nous arrivons, ils ne sont pas nombreux, une quinzaine tout au plus. Nous commencons les jeux de Rompe Hielo, pour rompre la glace. Le Queso Party, par exemple, et puis Un, Dos, Tres, Estrella. Peu à peu, d'autres enfants arrivent. Une heure plus tard ils sont 30, et nous commencons les présentations par le Salut. C'est un salut hérité de la tradition Purhépécha. Les enfants forment une ronde, et nous autres volontaires nous mettons au centre. U-A-A, crions-nous en coeur, les mains devant la bouche en porte-voix. U-A-A, reprennent les enfants. Puis :
Pampiri Sapichu
U-A-A
Pampiri Nanaka
U-A-A
Pampiri Tataka
U-A-A
Xanari, Xanari-Uni !
En Purhépecha, "Pampiri" signifie "Ami", les Sapichus sont des enfants en bas âge, et les Nanaka et Tataka des petites filles et des petits garcons de 8 à 10 ans.
Après le salut, nous nous divisons en petits groupes pour jouer. Ce sont des enfants comme les autres, vraiment. Peut-être ont-ils encore plus envie de jouer. Quand je me présente et leur annonce que je viens de France, certains poussent des soupirs d'admiration. Mais qu'est-ce que c'est la France pour eux ? Certainement quelque chose de loin, d'inatteignable, et ils n'en reviennent pas que des gens viennent de si loin pour jouer avec eux. Adal est le plus motivé de tous. Il a 8 ans, et il me presse de lui apprendre des mots d'anglais et de francais (le lendemain, il m'accueillera avec un "Hello"). Est-ce que Adal aura la chance d'apprendre tout ce que sa curiosité veut découvrir ? Une petite fille de 4 ans ne dit pas un mot. Même son nom, elle refuse de me le dire. J'ai tout juste le droit à un hochement de tête quand je lui demande si elle a froid. Puis elle se met à pleurer. Sa grande soeur de 6 ans et son petit frère de 8 ans accourrent vers elle pour la consoler. Je suis étonnée et touchée de voir comment une gamine de 6 ans peut prendre un enfant dans les bras et le bercer comme le ferais une mère.
vendredi 3 août 2007
Xanari-Uni, premiers jours
Nous sommes nombreux, plus nombreux que prévus : 21. Les mexicains nous ont réservé une petite fête, et la maison peu à peu se remplit de mots et de musique. A 2h du matin, alors que nous nous préparons à nous mettre au lit, on entend une musique monter vers nous...ce sont des Mariachis ! Mais ceux-ci n´ont rien du folklore suranné que l'on vend aux touristes. Cinq jeunes, en jeans et baskets, interpretent à la guitare des chants d'amour, des cris de joie ou de désespoir, et tous les mexicains encore présents chantonnent avec eux, et nous autres, pauvres volontaires aux yeux rougis par la fatigue, voilà que nous sortons de nos lits, enveloppés de nos couvertures, pour s'asseoir dans l'herbe et partager cet instant de vibration de l´âme d'un peuple. Les voix des hommes sont douces et s'accordent avec harmonie, le sons des guitares claquent dans l'air frais, et les refrains sont beaux et simples comme la vie. Nous sommes envoutés. Moi qui voyait les Mariachis comme des pousseurs de chansonnette pour midinette... Car on peut encore chanter l'amour sans avoir l'air niais : tout est une question de sincérité. Et si les Sirenes de Homere étaient des Mariachis ?
Les deux jours suivants sont consacrés à la préparation de notre futur travail. Nous allons avoir chacun un groupe de 10 enfants à charge. Et pour savoir comment mener ces activités, il faut tout d'abord s'y adonner ! Nous avons donc passé deux journées à jouer : apprendre à jouer aux jeux traditionnels mexicains, le Bolleto et la Toupie, car l'IJUM veut que les traditions mexicaines se perpétuent (sans grand succès pour moi, cela nécessite tant d'adresse...), à des jeux plus physiques comme celui de la queue du renard, et des créatifs comme la confection de figurines en pâte à sel. Nous avons également appris à fabriquer du compost, et à trier les ordures selon les règles mexicaines. Enfin, nous avons mis en place des activités sur les valeurs, et nous sommes chargés d'écrire et d'interprêter une pièce de théâtre sur le thème du respect. Tout ceci est captivant, mais j'ai si peur de ne pas être à le hauteur... Les enfants que nous allons rencontrés sont pauvres, et nous sommes peut-être leur unique voyage... Xanari-Uni est le nom de notre projet. En purhépecha, cela signifie Faire son chemin, Tracer sa route.
Les mexicains comptent beaucoup sur nous. Ils débordent d'attention. Le directeur de l'association est venu nous rendre visite pour savoir si tout allait bien, il a lui-même accroché un rideau dans notre chambre puis nous a conduit à la piscine. Ce soir, nous sommes conviés à une petite fête sur une colline depuis laquelle nous pourrons voir la ville illuminée, et à partir de la semaine prochaine, cours de salsa ! J'ai sympathisé avec quelques jeunes volontaires mexicains. Ils ont 20 ans, apprennent le francais à l'Alliance Francaise et rêvent de mon pays.
mardi 31 juillet 2007
Mexico, Tu piel vuelve a mi alma
Samedi je me suis baladée seule dans la ville de Morelia. Nous vivons dans un quartier résidentiel, à 30 minutes de la ville. Pour se rendre dans le centre historique de Morelia, il faut donc emprunter ce que les Mexicains nomment un "combi" : une petite camionette amémagée qui circule de quartiers en quartiers, sur le périph tout comme sur les routes cabossées de la campagne. Prendre un combi, c'est faire l'expérience de la proximité ; mais rien a voir avec l'impersonnalité du métro. Dans la camionette, les banquettes sont organisées en rond, si bien que tout le monde se fait face. Il y a l'habituel "Buenas dias" ou "Buenas tardes" que tout le monde s´échange, il y a les regards et les conversations, et l'eternelle cérémonie du cliquetis des pièces. En effet, quiconque qui veut voyager en combi doit payer au chauffeur la somme de 4,5 pesos. Les personnes qui sont au fond du combi ne peuvent pas lui donner l'argent directement , et les pièces se passent donc de mains en mains... Je me place toujours juste derrière le chauffeur, de facon à être l'interlocuteur obligé de tous les passagers qui veulent payer leur place. Et je regarde de tous mes yeux, et j ecoute de toutes mes oreilles, les paroles de ces vieux hommes si beaux et si dignes, avec leur chapeau blanc et les rides profondes de leur peau brûne, de ces femmes qui se tiennent et se signent quand elles entendent les cloches d'une église, de ces enfants qui nous observent comme des bêtes curieuses. Et la route cabossée, et le manque de place qui nous rapprochent et nous donnent l'occasion d'échanger le regard complice des compagnons de galère...
Bref, je me suis donc baladée seule à Morelia. Je me suis rendue dans une librairie pour acheter un livre d'Octavio Paz. Comme je n'avais pas de titre en tête, je demandai à l'homme de me ramener ce qu'il souhaitait. Il n´hésita pas une seconde : El Laberinto de La Soledad. Et j'appréciai cet instant où le hasard me mettait entre les mains un objet qui trouvait mille résonances en moi.
Morelia n est pas un labyrinthe, mais une ville construite par les espagnols au 16e siècle, patrimoine mondiale de l'UNESCO, avec son tracé rectiligne et ces dizaines d églises, ces palais, son aqueduc, ces milles places ombragées décorées de fontaines, ces maisons qui s'ouvrent sur de larges patio entourés d'arcades, et la cathédrale, d'un style herreresque revisité par le néoclassicisme. J'y ai donc erré des heures entières, et dieu sait comme cette ville se prête bien à l'errance. J'ai lu quelques pages d'Octavio Paz au Jardin de La Rosas, grignotté une tortas dans le monastère de San Antonio; j'ai visité le Musée d'art contemporain et le Musée de l'artisanat, etc. J'aime déambuler ainsi dans la ville, seule, avec l'impression de me dissoudre dans l'atmosphère, d'appartenir à cette terre et à ce peuple. Et ce qui est bête, c'est que j'ai parfois l'illusion que cela est vrai.
Et le soir, je retrouve les jeunes bénevoles de Vive Mexico dans notre petite maison du quartier résidentiel. La famille s'est agrandie, c'est l'auberge espagnole plus que jamais ! Maintenant nous sommes Francais, Allemands, Israëliens, Canadiens, Mexicains, Coréens et Danois, et nous passons les soirées à parler, à jouer et à danser (Kim m´a donné mon premier cours de salsa !), nous allons au théàtre ("Tu piel vuelve a mi boca", une pièce mexicaine expérimentale avec des gens nus) et nous goûtons la gastronomie du coin...
Tant de choses encore à raconter. Dimanche, nous sommes allés à Patzcuaro, une ville de pèlerinage, et nous avons découvert ce qu'était un vrai marché au Mexique.
Tant de choses à raconter encore, mais surtout tant de choses à vivre. J'arrête donc ici mon récit, pour l'instant, car le Mexique m'attend.
jeudi 26 juillet 2007
Mi primer dia...
vendredi 20 juillet 2007
Du 24/07 au 03/09 : Mon parcours
- le chantier à Morelia
- Le Tourisme