"Vive Mexico" et Concordia

Bonjour à tous !


Cela faisait longtemps que l'idée me trottait dans la tête. Jusqu'à présent je
n'avais su faire que du tourisme. Avec l'envie de bien faire, certainement :
ne rien dénaturer, ouvrir grand les yeux, respecter "l'autochtone"... j'étais
une touriste appliquée, comme nous le sommes tous de plus en plus. Mais la
rencontre, le vrai choc des esprits, est-il possible dans ces conditions ?

Nous voyageons avec l'Occident dans nos bagages. Nous avons la tête pleine d'attentes qui ne doivent pas être déçues. Notre temps libre est précieux, capitalisons-le ! Voilà le paradoxe du touriste occidental : il veut découvrir un ailleurs authentique, mais il impose inconsciemment le rythme par lequel cet "ailleurs" doit se dévoiler, c'est-à dire en un instant, car l'heure tourne, il y a tant de choses encore à voir, et puis bientôt la vie quotidienne le happera de nouveau alors, pressons...

S'il est nécessaire pour découvrir un pays de s'ouvrir au rapport intime que
son peuple entretient avec le temps, on ne se debarrasse pas de sa propre
conception temporelle comme d'un costard-cravate. Surtout quand l'argent s'en mêle : celui qui vide sa bourse est en droit de recevoir quelque chose en retour ; mais ce que nous cherchons à obtenir, l'humain et le temps, n'est pas une marchandise, et les rapports à l'autre s'en trouvent complexifiés. Si la
rencontre, parfois, survient, elle n'est que l'interruption momentanée d'un système dont nous sommes
prisonniers.

Voilà pourquoi j'ai fait appel à l'association Concordia,
qui organise des chantiers pour bénévoles dans le monde entier. Avec
Vive
Mexico
, son partenaire au Mexique, je vais travailler avec le centre pour la
jeunesse de Morelia
, dans le Michoacan. Ma seule attente ? Etre dépaysée...



mardi 14 août 2007

Les larmes de la tortue

Il était 4h du matin, et je dormais depuis 3h a peine quand mon réveil sonna... Le bus pour Playa Soledad devait partir a 5h. Devant l'IJUM je retrouvai les volontaires mexicains qui avaient bien voulu se joindre a nous pour le week-end : Adriana, Edgar, Juan Pablo, Carlos, et quelques autres. Je dormis pendant les 2 premieres heures du trajet, la tête posée sur la vitre, emmitouflee dans ma serviette de bain car la climatisation était trop forte a mon goût. Mais a mi-trajet, une fois de plus, le paysage mexicain eut raison de ma fatigue. Je passais donc les 3 dernieres heures le nez collé a la vitre, le sourire aux levres, echangeant quelques onomatopées de contemplation avec Karine, qui partageait mon état. Sans doute ne suis-je pas habituée a ces montagnes et ces collines vêtues d'émeraude dissimulant montagnes et collines, a cette terre rouge nourrissant les cactus, a ces lacs décuplant dans leur miroir un espaces deja trop vaste pour le coeur des hommes. Peu a peu le paysage changea, au fur et a mesure que nous perdions de l'altitude et que mes oreilles se bouchaient. La végetation devint plus seche, et nous vîmes apparaître, d'abord timidement puis avec insolence, cocotiers et manguiers sur le bord de la route. Et, au loin mais toujours plus proche, la mer. Playa Soledad portait bien son nom : nous etions au bout de nulle part. Notre lieu de vie ressemblait a ce que je n'osais imaginer par peur d'être decue : une étendue de plage déserte, des cocotiers partout, une maison colorée devant laquelle s'étendaient tables et hamacs protegés du soleil par un toit de palmes. C'est ici, sur la plage, abrité par la palme, que nous installames nos tentes. L'eau n'etait pas d'un bleu azur, car la saison des pluies lave la terre et rend la mer plus sauvage, mais elle faisait 32 degrés et de grandes vagues nous assurait du divertissement. C'est ainsi que nos deux jours et demi s'ecoulerent, plus calmement que les vagues du Pacifique : baignades a repetition, lectures et siestes dans un hamac, repas de poissons grilles ou de quesadillas, et le soir, feu de camp sur la plage avec un verre ou des chamalows grillés... Cela était déja beaucoup, mais cela ne fut pas tout. Le Mexique nous reservait un cadeau. Samedi, dans l'apres-midi, Shira s'avanca précipitamment vers moi en me criant : "Tortuga, Tortuga !" Je vis un atroupement un peu plus loin : une tortue de mer etait venue pondre ses oeufs a Playa Soledad... Et nous l'entourâmes et participâmes avec emotion a ce grand moment de souffrance et de vie. Il lui fallut d'abord creuser un trou, le plus profond possible. Elle grattait le sable de ses pattes arrieres et il voltigeait vers nous. Cela dura trois quart d'heure. Les mexicains etaient ici, veillant a ce que personne n'importune trop le travail ereintant de l'animal. Puis vint le moment de la ponte. La bête souffrait. Sa tete prehistorique se levait et s'abaissait comme si elle demandait au ciel de lui donner la force d'accomplir sa tâche, sa bouche s'ouvrait pour pousser un râle muet. Champi, un des employé de l'IJUM, mexicain jusqu'au bout du sombrero, se pencha vers moi : "Regarde, elle pleure". Et je remarquai en effet une trainee sombre sous chacun de ses yeux. Et je retenais mes larmes... "Tu sais, continua-t-il, normalement les tortues ne pondent jamais le jour, c'est un miracle que vous puissiez assister a cette scène". Lorsque la tortue eut terminee sa ponte, elle reboucha son trou et marcha lentement vers la mer, et nous l'accompagnâmes jusqu'a ce qu'elle disparaisse sous l'eau. Ensuite, sous le conseil des mexicains, nous recoltâmes les oeufs pour les mettre dans un endroit plus sûr, a l'abri des chiens et des braconniers. Je me penchai vers le trou et grattai la terre avec mes ongles pour qu'apparaissent enfin ces oeufs, gros comme des balles de golf, mais avec la transparence et la fragilité de la porcelaine fine... Nous en contâmes 120. Les petits sont attendus pour le 15 septembre, mais seulement quelques uns pourront survivre... Je me souviendrai toujours de ce cadeau de la nature et des larmes de la tortue...

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Je te reconnais bien là ma Nannie,provoquer notre corde sensible après avoir éprouvé toi même beaucoup d'émotion.
Par tes écrits,comme tu sais si bien nous communiquer tes sentiments...nous vibrons avec toi,mais avec un petit décalage.
Quel sera la prochaine fois ton ressenti et quel sera le notre?
J'attends avec impatience ma prochaine lecture.
Je t'embrasse très très fort ma douce Nannie.

Anonyme a dit…

Que c'et beau!les larmes de la tortue ont réveillé en moi des souvenirs, peu de gens le savent, les vaches aussi pleuraient quand, avant les tracteurs,elles travaillaient trop dur,sous le soleil brulant,harcelées par les taons,les larmes coulaientle long du mufle et enfant, je pleurais avec en essuyant leurs larmes.
Anna,tu me fais vivre en te lisant de merveilleux moments/je t'embrasse trés fort.Mamie Mamène

Anonyme a dit…

Quel titre de rêve!! Les larmes de la tortue....Elles ont failli faire couler les miennes!!Dans tes récits tu fais passer des sensations et des émotions très fortes.Il me faut facilement une journée pour "revenir sur terre!
Lrs enfants de Morélia réveillent en moi le souvenir de mes débuts de carrière:classe unique rattachée à un centre qui recueillait des enfants(3 à 4 ans)maltraités et souvent abandonnés. Des enfants terriblement avides d'affection et curieux de tout;;et tellement attachants! Je crois que les tiens la-bas ont un peu plus de chance!En attendant le prochain récit je t'embrasse belle mamie

Anonyme a dit…

This is great info to know.